2022 – Conférence / Film / Débat : « Quel avenir pour les droits des travailleurs en Belgique? »

Introduction de la rencontre par la présidente

Bonjour à toutes et à tous.

Nous vous remercions d’être présents pour visionner avec nous le  film/débat de ce jour.

Nous remercions également Marcel BARTHOLOMI,
Président de FOSODER, Fonds de solidarité et de développement Régional, Administrateur délégué de SOCOMEF S.C.R.L. 
et Syndicaliste FGTB aguerri.


Après le film, Marcel répondra à toutes vos questions.

« En guerre » : un film fort, engagé et dramatique co-écrit, co-produit, réalisé par Stéphane Brizé sorti en 2018.
Il s’agit du 4e film de Stéphane Brizé avec comme acteur principal Vincent Lindon ainsi que Mélanie Rover (Syndicat de la CGT) et Jacques Borderie.

Tout au long du film, vous serez amenés à réaliser combien les accords de travail  sont difficiles à mener et aussi à tenir.  Même en cas d’accords signés entre délégués syndicaux et patrons. 

Les combats syndicaux sont difficiles et ardus, ils peuvent être une réussite ou tout simplement un échec si une des deux parties rompt l’accord.

Deux ans auparavant aux usines PERRIN d’agen, un accord de maintien d’emploi avait été conclu pour cinq ans, en échange d’un allongement du temps de travail, c’est-à-dire que les travailleurs avaient accepté de travailler 40 heures et de n’en toucher que 35. Ils avaient aussi renoncé aux primes, ce qui diminuait fortement les frais de l’employeur.
Mais après deux ans, le groupe allemand de l’entreprise invoque la rentabilité insuffisante de l’usine française face à la concurrence et Ils demandent la fermeture immédiate de l’entreprise d’agen.
Les ouvriers de l’usine PERRIN protestent contre l’annonce de la fermeture informée par leur direction.

Laurent AMEDEO est le leader syndical à la tête de la contestation.  Un accord avait été conclu et il n’a pas été tenu…

Vous pourrez suivre, comme si vous y étiez, les manœuvres syndicales pour arriver à joindre la direction nationale de l’entreprise, voire même de solliciter l’appui du Président de la République. Un conseiller économique du Président les assurera de son soutien moral. Les travailleurs envahiront les locaux de la MEDEF et chercherons à contacter un repreneur potentiel ou à rallier les travailleurs d’une autre usine à leur cause. Ils provoqueront même une rencontre avec le PDG allemand du groupe.

Sans succès puisque, malgré les différentes promesses, la direction confirme son intention de fermer l’usine et refuse de la vendre au repreneur potentiel, prétextant que le projet de reprise n’est pas viable…

Laurent AMEDEO pense plutôt que la direction ne veut pas vendre l’usine à un concurrent direct.
Le combat syndical commence.

Le film montre aussi le traitement médiatique qui est donné au sujet et les chaînes de télévision mettrons essentiellement en avant les violences entre les travailleurs excédés et les patrons.

La délégation syndicale est en pleine indivision entre les partisans qui veulent aller jusqu’au bout pour essayer de sauver l’usine et maintenir l’emploi, conduits par Laurent et Mélanie et ceux qui pensent la fermeture de l’usine inéluctable. Ils se rangent à l’idée d’une négociation avec la direction pour obtenir une prime de licenciement la plus élevée possible. Tandis que le blocus prolongé de l’entreprise assèche financièrement les ouvriers ils sont de plus en plus nombreux à vouloir reprendre le travail.

Certains leaders syndicaux ont cherché à calmer les débordements de leurs membres.

L’agression du PDG allemand par des ouvriers à l’issue de leur rencontre mettra fin au dialogue social et au soutien de l’Élysée.
Les ouvriers ayant participé à l’agression sont également licenciés sans indemnités.

Alors l’obstination de Laurent Amadeus ne lui permet pas d’avoir gagné et la fermeture de l’usine est confirmée au cours une réunion syndicale.

Laurent est rejeté et pris à partie par plusieurs ouvriers et chefs syndicaux qui le tiennent pour responsable de l’agression du PDG, des licenciements pour fautes graves des responsables de l’agression et de la rupture des négociations avec la direction, les empêchant ainsi de faire monter le montant de la prime de licenciement.
Un ouvrier va jusqu’à taguer sa maison et jeter une brique au travers d’une de ses fenêtres. Désespéré il se rend en Allemagne pour s’immoler de manière spectaculaire, sous les fenêtres du siège de l’entreprise.

Son décès entraînera l’annonce de la Direction du renoncement au licenciement pour faute grave des  treize salariés ayant agressé le PDG ainsi que la reprise des négociations avec les travailleurs.

Jeannine GERLACH, Présidente.

INTERVIEW DE MARCEL BARTHOLOMI PAR JEANNINE GERLACH

Qu’avez-vous pensé du film ?  Est-il représentatif de la réalité de terrain ?

Oui, ce film est représentatif de la réalité.  Il faut savoir qu’il y’a des lois économiques qui ont présidé à tout cela et la trame du film montre qu’il s’agit d’un conflit de systèmes, avec d’un côté, le droit de propriété et de l’autre côté, le droit au travail.

Les comportements humains peuvent être dramatiques et il a déjà assisté à des cas graves.  En Belgique, les lois sont différentes des lois françaises.  Chez nous, le principe de la conciliation est important, ce qui n’est pas le cas en France.  En France, le Président de la République a le pouvoir de faire fonctionner certains appareils judiciaires.  Or, en Belgique, le Roi n’a pas ce pouvoir-là.

Pensez-vous qu’en Belgique, après revendications, les ouvrier d’une entreprise obtiennent quand même une compensation financière ?

Je ne pense pas, c’est un rapport de force.  Le rapport de force, où est-il dans le film ?  Dans ce cas de figure, le droit de propriété, c’est l’outil de production et on n’en parle que peu dans le film.  Le patron allemand peut considérer qu’il est propriétaire de son entreprise et que personne ne peut s’y opposer.  Or, à partir du moment où il y’a une entreprise avec des milliers de travailleurs …  Il y a eu des exemples frappants en France, par exemple, Lipp, c’était arrivé au point de faire valoir leurs droits et de soumettre toute la population avec eux.  Dans le nord de la France, en Lorraine, ça s’est passé aussi.  Il ne faut pas penser qu’il n’y a pas de rapport de force mais il faut le découvrir.  Ici, le rapport de force, dans le film, on ne le ressent pas.  Le droit de propriété est présent.

En Belgique, dans de tels cas, on occupait l’entreprise pendant des mois et on se l’appropriait et on interdisait au patron d’entrer …  On a vécu cela dans pas mal de cas y compris même en Flandre.  A Sprimont, il y’a eu un cas similaire.  Arcelor-Mital aussi mais c’était une institution publique.  Il est plus facile de discuter avec le Gouvernement car il y’a des gens qui nous sont proches qu’avec une institution privée.  Il peut y avoir des alliances politiques et cela peut aider dans le public.  Le Gouvernement a le pouvoir d’intervenir, ce que le Roi ne peut faire en Belgique.

Il faut des organes de financement dans le cas connu en France sont des organes privés, des banques qui ne bougeront pas …  En France, des employés peuvent racheter une entreprise mais il faut que les propriétaires soient d’accord de revendre.

Le cas de Sprimont est le dernier que j’ai vécu avant d’être à la retraite.  L’entreprise était condamnée à fermer et cela commencé à bouger lorsque nous avons monté un projet coopératif. 

Lorsque nous avons eu ce projet et qu’on a dit qu’on allait continuer la production, à ce moment-là, la délocalisation a été abandonnée et l’entreprise est toujours là.  Les patrons ont eu peur car les travailleurs occupaient l’entreprise, l’entretenaient et avec les qualifications nécessaires pour la faire tourner.  Il peut arriver que les ouvriers cassent leur outil et c’est plus difficile de redémarrer la société.  Il y’a deux approches possibles, soit on travaille avec le secteur public et c’est celui-ci qui intervient et c’est ainsi qu’on a sauvé la sidérurgie en Belgique en la rendant publique.  Une autre alternative consiste à ce que les travailleurs gèrent eux-mêmes l’entreprise.  Dans un cas comme un autre, on n’est toujours pas propriétaires. 

L’entreprise Caterpillar était florissante mais cela a fermé quand même.

Prenons l’exemple de la Somaca qui est une entreprise publique et la Belgique a fabriqué des avions pendant des années …  La force aérienne belge avant la 2ème guerre mondiale a vu ses avions être fabriqués en Belgique par des Belges.  Il ne faut pas prendre des raccourcis car la Somaca est une entreprise florissante avec des filiales à l’étranger et elle est dans les grands programmes européens et travaille pour Boeing, etc.  Pourtant, cette entreprise était condamnée par le patronat.  Il faut le vouloir et il faut aussi des industriels.  Delvaux, le patrons de la Somaca, a été le leader de l’opération avec le soutien des fonds publics.  Avec des hommes et l’argent, on n’a pas besoin de patrons.  Il faut des ingénieurs et toutes sortes de personnes.  Dans le domaine de l’automobile, Dieteren est une marque belge qui a fait ses preuves.  Il ne s’agit pas d’une entreprise multinationale étrangère …