2021 – La pauvreté frappe à toutes les portes.

Mot de la Présidente

« Bonjour à toutes et à tous, en vos titres, grades et qualités,

Au nom du Centre Femmes / Hommes-Verviers, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d’être avec nous aujourd’hui.

Je remercie tout particulièrement Monsieur André LEPAS, Président de la Maison de la Laïcité, d’avoir mis gracieusement à notre disposition ce bel outil qu’est la salle dans laquelle nous nous trouvons actuellement ainsi que son personnel pour une collaboration active et précieuse.

Je remercie également Gaëlle DENYS, Présidente du CPAS de Verviers, de bien vouloir introduire notre colloque a/ débat :
« La pauvreté frappe à toutes les portes »

Je remercie chaleureusement Madame MAHY, Secrétaire Générale du Réseau wallon de Lutte contre la Pauvreté d’être venue de Bruxelles où elle quitte déjà une autre présentation, pour nous accompagner lors du colloque / débat.
Peut-être pourrait-elle nous donner des pistes à suivre pour aider les moins bien nantis à sortir de leur détresse ? N’oublions pas qu’en Belgique, la pauvreté touche un enfant sur quatre.
Cette pauvreté reste une grave atteinte à la dignité et aux droits humains.
Je remercie de tout cœur nos partenaires, les associations qui ont bien voulu coopérer pour nous offrir cette conférence / débat de choix. La pauvreté n’est pas belle à voir mais elle existe malheureusement, elle frappe à toutes les portes et elle est encore plus visible depuis la pandémie du COVID et des inondations qui ont fortement sévi dans la région.
La pauvreté n’est pas un phénomène nouveau à Verviers, elle a toujours existé et s’est aggravée par le déclin d’une industrie autrefois florissante.
Récemment, la pandémie du Covid 19 et les inondations qui ont frappé durement notre région ont contribué à une amplification du phénomène de pauvreté en très peu de temps.

Plusieurs personnes y ont trouvé la mort et beaucoup d’habitations ont été dévastées par le courant de l’eau et des détritus qu’il a charriés.

Ces inondations meurtrières ont touché de nombreuses personnes en situation de pauvreté, mettant encore en lumière les inégalités sociales.
D’autant plus que tous ces logements sont en général les habitations les plus anciennes et les plus modestes.

Du jamais vu chez nous, des milliers de personnes sans logis, pour des millions d’euros de dégâts qu’il faudra payer pour retrouver des logements habitables à plus ou moins longue échéance.
Il faut penser à l’après-inondation en ne laissant personne sur le bord du chemin.
Comme d’habitude, le CPAS et tous les services publics et privés de la ville ont retroussé leurs manches pour aider ceux qui avaient tout perdu afin de leur rendre quelque dignité.
Beaucoup a déjà été fait, mais beaucoup reste encore à faire.
C’est pour cela que nous voulons mettre en évidence le travail et l’importance de ces Services qui sont toujours présents sur le terrain.
N’oublions pas l’aide précieuse qui a été apportée par l’armée et le grand nombre de bénévoles venus de toutes les régions du pays, jusqu’à faire éclater les barrières linguistiques.
La solidarité citoyenne était au rendez-vous.
Maintenant, je passe la parole à notre modérateur et juriste bénévole du Centre Alain HOUART, Docteur en droit de l’ULiège ».

Alain HOUART, Docteur en Droit ULIEGE
« Nous sommes réunis aujourd’hui pour essayer de cerner ce douloureux problème qu’est la pauvreté. Le 17 octobre se tenait la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, ce sujet est donc malheureusement bien d’actualité même si, comme on vient de vous le dire, l’augmentation du Covid et les séquelles des inondations ont encore accentué le phénomène. On pourrait parler de la pauvreté pendant 8 jours, c’est un sujet malheureusement grave et qui touche de nombreuses personnes. Je souhaite, pour la qualité du débat, plutôt le banaliser et le définir pour que chacun ait la possibilité d’intervenir et pour un débat rigoureux. Tout d’abord, voici la définition de la pauvreté : chacun a une sensibilité particulière par rapport à la pauvreté, soit de son expérience personnelle, soit des personnes qu’il connaît, mais il existe des définitions qui ont peut-être la sécheresse de ce qui est scientifique, mais qui ont le mérite de bien délimiter le problème. Le seuil de pauvreté a été défini par la Communauté européenne comme le revenu qui consiste à moins de 60 % du niveau médian d’un pays, ce qui signifie que le seuil de pauvreté n’est pas le même en Suède qu’en Sicile. Chaque fois, on tient compte de l’environnement social dans lequel on essaie d’étudier le phénomène. Le niveau médian en Belgique est de 25 600 €, et si on vous prenez 60 %, c’est donc un montant de 15 400 € par an. Donc, quand on étudie le phénomène de la pauvreté, en matière de statistiques, notamment, on considère qu’une personne seule qui reçoit moins de 15 400 € par an, c’est-à-dire 1 284 € par mois, est au seuil de la pauvreté. C’est donc de cela que nous parlons, ce qui ne signifie pas qu’il n’y a pas d’autres circonstances dramatiques dans la vie qui suscitent notre intérêt, mais nous allons essayer de maintenir le débat à ce niveau-là. En Belgique, quel est le niveau de pauvreté ? Il est évidemment trop élevé d’autant plus que, d’autre part, la Belgique fait partie des 10 pays les plus riches du monde. Vous imaginez … nous sommes dans un pays riche et malgré cela, il y a 15 % de la population qui est considérée en risque de pauvreté avec des différences régionales : 10 % en Flandre, 19.5 % en Wallonie, et 28 % à Bruxelles ! C’est énorme, et quand j’ai revu ces chiffres, je dois dire que je suis tombé de ma chaise ! On pense à Bruxelles, capitale de l’Europe, avec des parcs magnifiques, etc … Et on s’aperçoit que 28 % des habitants de la région bruxelloise souffrent de pauvreté ! C’est vraiment un sujet qui devrait nous animer et surtout animer tous ceux qui nous gouvernent. Maintenant, il ne faut pas dire non plus « Oui, mais on ne fait rien ! ». Ce n’est pas vrai du tout, on fait énormément et c’est agaçant d’entendre cela. C’est vrai qu’on fait trop peu, c’est vrai qu’on ne fait pas toujours bien, mais dire cela, c’est injurieux pour tous ceux qui avancent pour faire justement quelque chose et il faut bien dire qu’ils sont nombreux. A titre d’exemple, je vais passer en revue un bon nombre d’institutions qui s’occupent de traiter de la pauvreté : d’abord les institutions de Services publics et ensuite les institutions de Services privés. Au niveau fédéral, il y a un Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exlusion sociale qui a été créé en 1998 et qui est un organisme d’études qui mobilise pas mal d’énergie. Il s’occupe de toute la Belgique puisque, comme son nom l’indique, c’est un Bureau fédéral. La Région wallonne a une Direction de la Cohésion sociale qui dépend du Service public wallon intérieur et action sociale et si je descends au niveau local, la ville de Verviers a évidemment pas mal d’institutions et fait énormément d’efforts puisque dans la population verviétoise, Verviers est la deuxième ville de Wallonie. Cela signifie que les efforts exigés des autorités sont énormes et ces autorités sont partout et doivent faire tout à la fois. Quand on est au levier du pouvoir et qu’il faut prendre des décisions, c’est beaucoup plus difficile. Verviers a son CPAS et Mme Denys nous en parlera. Il y a au sein du CPAS un Dispositif d’urgence sociale dont Madame Fortuna nous parlera. Il existe un Plan de cohésion sociale qui accueille des personnes avec des permanences et tout ce qui est nécessaire pour recevoir les personnes en difficulté. J’aurais voulu vous parler plus longuement de Logivesdre qui fournit un logement social aux personnes nécessiteuses des communes de Verviers, Dison, Herve, Limbourg, Theux, Pepinster, Spa, et Jalhay, ce qui représente plus de 5 000 logements à gérer et entretenir. Comme vous l’avez certainement lu dans la presse, les inondations de juillet ont détruit une partie de ces logements et cela a rendu le travail de Logivesdre encore plus difficile. Madame Lessire, directrice commerciale de Logivesdre et Madame Sisterman, directrice de Royal Télé Service nous avait promis d’être présentes mais ne peuvent être des nôtres aujourd’hui.
Nous entendrons des intervenants qui connaissent bien le problème de Logivesdre pour nous en parler. Il existe aussi énormément d’organisations privées. Rien qu’à Verviers, je pense qu’il y en a une quarantaine. Vous connaissez peut-être Sima, l’Espace 28, le Réseau d’accompagnement alimentaire, le Centre Femmes/Hommes-Verviers, etc. Je ne peux pas les citer tous, il y en a énormément. Au niveau wallon, celui qui mérite d’être cité en tout premier lieu, c’est le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté dont la directrice, Mme Christine Mahy, est présente aujourd’hui. Elle nous parlera de ce Réseau qui regroupe 35 associations ainsi que plus de 30 collaborateurs et qui fait un travail exemplaire, courageux, difficile, et toujours à recommencer car la pauvreté ne s’éteint pas du jour au lendemain ; c’est un travail méritoire qui mérite d’être encouragé. Nous parlerons aussi du Centre F/H – Verviers qui est l’organisateur de ce colloque, du Royal Télé-Service qui est bien connu puisqu’il s’occupe de déménager les personnes qui doivent quitter leur logement, et qui a une très grande visibilité à Verviers. Nous parlerons aussi du Centre médical Le Braséro, et d’une façon générale, de la problématique des maisons médicales, qui est une façon de répondre aux besoins en matière de santé pour des personnes en difficulté. Je terminerai en parlant des organisations mixtes publiques / privées, puisque je vous ai parlé des organisations publiques. La Région wallonne a jugé utile de créer le Réseau social urbain qui est une façon pour elle d’encourager les pouvoirs locaux à créer un Réseau social urbain afin de fédérer les diverses activités privées et publiques. Le Réseau social urbain de Verviers est composé de 2 délégués de la Région wallonne, 19 délégués des pouvoirs publics (CPAS, ville, hôpital public) et 19 représentants du secteur associatif qui est extrêmement dynamique à Verviers.
Au point de vue des institutions et de ces intervenants, nous avons la chance d’en avoir plusieurs parmi nous qui vont nous expliquer comment on travaille et comment on fait face à la pauvreté.

Je commencerai par donner la parole à Mme Gaëlle Denys qui est présidente du CPAS et qui est aux premières loges pour affronter toutes les difficultés de la pauvreté à Verviers ».

Gaëlle DENYS, Présidente du CPAS de Verviers
« Tout d’abord, je suis très heureuse d’être ici. En effet, en tant que présidente du CPAS, la thématique de la lutte contre la pauvreté est une thématique qui me tient à cœur. Cependant, j’aurais préféré qu’un colloque comme celui-ci ne se tienne pas, pour que la précarité ne soit plus une thématique prioritaire dans notre société. Ce qui est vraiment désolant, c’est de constater qu’en 2021, de plus en plus de citoyens vivent dans une situation précaire, dans un paysage social qui tend toujours plus à se dégrader. C’est un phénomène qui est multi-dimensionnel et qui se manifeste dans différents domaines de la vie : le revenu, le travail, la santé, le logement,… La réponse apportée à cette thématique doit aussi être transversale. Pour donner quelques chiffres : le risque de pauvreté ou d’exclusion sociale en Belgique est de 18,9 %. La précarité énergétique touche 1 ménage sur 4 en Wallonie. 14,1 % de la population vit dans un ménage ne disposant pas d’un revenu de 15 403 € par an. Le risque de pauvreté des chômeurs concerne 1 personne sur 2. En 2019, 11 % de la population belge était confronté à une situation de privation matérielle. Le risque de pauvreté touche
1 personne sur 5 en Wallonie, et pour les familles monoparentales, ce taux grimpe à 1 famille sur 2. Derrière ces chiffres, il y a des personnes dont la qualité de vie n’est pas conforme à ce qu’on appelle la dignité humaine. Alors, on classe ces personnes, on essaie d’identifier les marqueurs, leur appartenance à la population pour analyser les facteurs qui les ont amenées à se retrouver dans cette situation. Dans ces sous-groupes, on peut notamment citer les personnes à faible niveau d’instruction, les personnes au chômage, les locataires, les personnes en charge de famille monoparentale (souvent des femmes), et puis n’oublions pas toutes les personnes qui cumulent ces différentes situations. Ne pas avoir de travail est l’un des premiers critères, mais il ne faut pas oublier ceux qui ont un emploi temporaire, intérimaire ou mal payé. Aujourd’hui, encore beaucoup trop de citoyens ont un revenu qui ne leur permet pas de mener une vie digne et d’autres font face à un endettement, voire un surendettement qui les entraîne dans une spirale de surendettement négative.
Trouver un logement correct ou abordable permet d’avoir un lieu de résidence fixe et il s’agit donc d’un enjeu majeur. La situation catastrophique du logement dans notre arrondissement s’est aggravée avec les inondations. Encore aujourd’hui, de nombreuses personnes ont des problèmes de santé et remettent leurs soins à plus tard pour des raisons financières.
Bon nombre d’enfants sont aussi confrontés à l’école à des inégalités sociales qui affectent leur parcours scolaire. Et comme si tout cela ne suffisait pas, les personnes en situation de pauvreté se heurtent constamment à des préjugés douloureux sous les termes de profiteurs, de pollueurs, de fainéants, voire même de fraudeurs…
Au-delà de l’analyse, ce qu’il faut maintenant, ce sont des réponses pour aboutir à des mesures concrètes et budgétisées et à des mesures qui sont encore une fois transversales. Avoir un logement qualitatif sur le plan énergétique, une offre suffisante en matière de soins de santé, un emploi convenable, une dynamique de relocalisation de l’économie, des solutions de mobilité efficaces et durables, des moyens technologiques pour la formation dans une société de plus en plus digitalisée, des infrastructures pour la petite enfance, des infrastructures sportives, des initiatives de participation citoyenne, … Ces nombreux défis sont mis en lumière par les ASBL et les ONG, et nous aurons encore l’occasion d’en reparler tout au long de ce colloque quant à leur rôle majeur. J’aimerais maintenant toucher un mot sur le rôle des pouvoirs publics : la lutte institutionnelle contre la pauvreté demande une coopération entre les entités fédérales et fédérées. En juillet dernier, le Conseil des Ministres a marqué son accord sur l’établissement de stratégies au plan fédéral en matière de pauvreté et d’inégalités, une relance de la Wallonie suite aux inondations en juillet dernier, la volonté de faire face à la paupérisation croissante de sa population avec un budget de presque
2 milliards avec les objectifs stratégiques de l’axe 4 de ce Plan, intitulé « Soutenir la solidarité et l’inclusion sociale ». Tout cela, c’est bien beau. Espérons qu’il ne s’agit pas juste d’une ènième note de bonne intention et que les actions soient à la hauteur des défis actuels. Au plan local, la lutte est assurée par les CPAS. Le nombre de bénéficiaires du revenu d’intégration ou d’une aide équivalente a augmenté de 70 % sur les 15 dernières années. La crise sanitaire étant passée par là, il y a davantage de personnes que par le passé. Nouvelles missions, nouveau public. Aujourd’hui, le CPAS n’est plus le dispositif résiduaire tel que prévu par la loi organique. Les CPAS des communes sinistrées à la suite des inondations travaillent sans relâche pour aider les personnes sinistrées. Cette catastrophe sans précédent a induit un nombre supplémentaire de personnes dans la précarité. A Verviers, les quartiers les plus touchés par les inondations sont ceux qui abritent les populations qui étaient déjà les plus touchées par la précarité. D’après nos calculs, 60 % des ménages verviétois victimes des inondations sont des personnes précarisées. A cela s’ajoute la pandémie du Covid qui n’est pas encore derrière nous et cette crise a exacerbé et continue d’augmenter les inégalités déjà existantes. Il est plus facile de parler de la pauvreté que de la vivre. Il est important en tant que décideurs de trouver des solutions. Nous nous y employons au CPAS de Verviers et de maniière concrète, par des Services qui sont vraiment spécifiques, qu’il s’agisse de l’aide sociale, de l’aide à l’enfance, de l’énergie,… Tous ces Services contribuent finalement à essayer de trouver des réponses à ces différentes problématiques. Cependant, le CPAS seul ne peut mener à bien ces combats mais heureusement, au quotidien, nous avons la chance de travailler avec des acteurs de la société civile et beaucoup d’acteurs sont présents aujourd’hui dans ce panel d’intervenants. Eradiquer la pauvreté reste la priorité absolue, nous ne l’oublions pas. Notre objectif est certes ambitieux mais il justifie que nous continuions à y mettre tous les moyens en synergie pour y parvenir ».

Alain HOUART ; modérateur
« Beaucoup de Services ont été créés pour répondre au mieux aux besoins de la population. Le CPAS est véritablement devenu une institution indispensable dans la lutte contre la pauvreté en région wallonne, hélas. Sur l’intervention de Mme Denys, il y a certainement des questions auxquelles elle pourrait répondre.
Question :

  • Vous avez parlé de 60 % des ménages touchés par la précarité. Était-ce déjà le cas avant les inondations ou est-ce dû aux inondations ?
    Réponse :
  • « Ce chiffre est uniquement basé sur les ménages recensés comme ayant subi les inondations. A Verviers, nous avons 4 693 ménages qui ont subi les inondations et sur ces ménages, nous avons identifié + de 2 700 ménages qui sont considérés comme précaires et uniquement sur certains critères. La Croix-Rouge a mis en place un projet consistant à verser de l’argent à des personnes identifiées en grande précarité et parmi les critères établis, ils ont déjà indentifé + de 2 700 ménages parmi les plus précarisés qui recevront cette aide.
    Cela fait 60 % des ménages sinistrés. Il s’agit de personnes qui bénéficient du revenu d’intégration ou équivalent ».

Christine MAHY, Secrétaire générale du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté
« Merci de m’avoir invitée et merci pour vos remerciements mais sans tous les acteurs de terrain, le Réseau wallon pourrait faire peu de choses. Je pense que vous mettez aujourd’hui sur la table un échange de questions qui est quand même terrible dans notre société. La Belgique est le 10ème pays le plus riche et compte un taux de pauvreté terriblement élevé et derrière les chiffres annoncés, on ne voit que la population recensée. Avec les statistiques, on ne compte que des gens qui sont dans les normes administratives, etc etc… mais si on ajoutait les catégories de personnes sans-papiers ou qui sont à la rue sans être recensées nulle part, les personnes qui sont dans la prostitution,… ces chiffres seraient encore plus élevés ! La Croix-Rouge a comptabilisé 60 % de personnes ayant droit aux aides mais en réalité, c’est dramatiquement plus que cela. Vous avez une idée affligeante et sous-évaluée de la réalité de ce qui se vit. La pauvreté est aussi sous-évaluée aujourd’hui car il y a une espèce de dramatique mise en concurreuce de la petite classe moyenne qui est dans des chiffres, juste au-dessus de ce qui permet d’avoir droit à des aides, soit parce que les gens sont propriétaires, ou autre. Pourtant, ils sont en train de s’effondrer, qu’il s’agisse de droit au logement, d’aide pour payer les études supérieures,… Malheureusement, une fois que les finances des ménages se trouvent légèrement au-dessus des seuils, ceux-ci n’ont pas droit à une aide et ils sont pourtant en état de pauvreté. Toutes ces personnes ne sont pas recensées et leur situation est souvent dramatique. Certains acteurs du monde politique mettent en concurrence les aides. La Croix-Rouge a beaucoup aidé durant les inondations et on s’est aperçu que les personnes qui reçoivent ne sont pas en défaut mais que le système ne permet pas de gérer correctement tout cela. Comment faire pour que les personnes qui sont dans la pauvreté aujourd’hui n’y soient plus demain ? Comment faire pour que les gens en pauvreté soient stabilisés ? Les problèmes tombent de partout : la crise du Covid, les inondations, … Avant, on avait la crise bancaire, la crise de l’emploi,… Depuis les années 70, on dit aux gens de se serrer la ceinture et que cela va aller mieux mais en réalité, ils se serrent toujours la ceinture et cela ne va pourtant pas mieux ! Pour toute une partie d’entre eux, cela s’aggrave et c’est compliqué.
Notre réseau fédère les associations en Wallonie et le but est surtout d’établir un dialogue avec les personnes concernées qui ont besoin de tout, qui subissent la dégradation dans le regard des autres, qui sont stigmatisées,… La pauvreté n’est pas seulement de ne pas avoir assez d’argent pour payer les factures, être surendetté, avoir peur des huissiers, chercher un abri de nuit,… Mais c’est aussi la manière dont progressivement s’est installée dans notre société une explication de cet état comme si les gens étaient responsables de l’état dans lequel ils sont. On a individualisé en quelque sorte les causes de la pauvreté plutôt que de faire une analyse politique permettant de savoir ce qui génère cette réalité de la pauvreté. Personne ne se lève le matin en se disant : « pourvu que le loyer soit trop élevé », « pourvu que je perde mon emploi », « pourvu que je provoque un accident de voiture »,… Tout le monde espère que sa vie va être la plus fluide possible et que chacun obtiendra les soutiens et aides possibles aux moments difficiles de la vie. Tout le monde a besoin un jour d’une aide, même parfois ceux qui sont pourtant dans l’aisance matérielle. C’est toujours dur à vivre probablement psychologiquement pour tout le monde mais c’est plus facile lorsque l’on a les moyens d’avoir recours à tout les Services qu’il faut, avoir recours aux connaissances qui peuvent aider, à un terreau familial parfois très nourri qui peut aider, etc. Alors que pour les personnes dans la grande précarité, il y’a un éloignement de la société ; on remarque un effritement des relations, un isolement et tout un tas de choses qui font que ces personnes sont encore plus défavorisées. Ces problèmes ne sont pas à mettre à l’actif des personnes concernées mais il faut se questionner pour savoir comment les personnes ne s’en sortent pas alors qu’il y a autant de Services, d’organes, d’associations,… qui existent depuis la naissance jusqu’ à la mort. Qu’est-ce qui fait qu’il y a des « rendez-vous ratés » systématiques qui provoquent une escalade vers le trop peu de tout et la déconsidération ? Pourquoi trouvons-nous que c’est important de travailler avec les personnes concernées pour essayer de lutter contre la pauvreté ? On veut partir de leur connaissance de la vie dans le trop peu de tout car on ne soupçonne pas, lorsque l’on n’est pas confronté soi-même au trop peu de tout comment on n’est pas assez aguérri, on ne connaît pas les subtilités, on n’imagine pas comment les gens doivent avoir des comportements de débrouille. Parfois, on ne comprend pas ces comportements de débrouille qui sont qualifiés de tricherie, mais parfois, c’est de la survie qui est absolument nécessaire. Je ne dis pas qu’il faut avoir été pauvre pour être autorisé à combattre la précarité mais par contre, se passer de la parole et du savoir de ces personnes-là, c’est se passer d’une part importante de ce qui peut nourrir la bonne décision politique, la bonne réorganisation d’un travail,… C’est ce qui manque dans notre société car on a un peu tendance à penser qu’on peut parler pour les autres, qu’on peut savoir pour eux, qu’on peut décider à leur place car il y a un aimant parfois très subjectif qui atteint les personnes en grande précarité. Le trop peu qu’elles ont dans leur poche fait qu’on finit par penser que c’est parfois trop peu dans leur tête. On se dit qu’elles sont trop peu qualifiées et qu’il vaut mieux réfléchir entre professionnels, entre chercheurs, et on va voir pour eux ce qu’il y a lieu de mettre en place. On ne dit pas qu’il n’y a que les personnes concernées qui peuvent réfléchir pour améliorer les dispositifs qui existent et donner des idées, mais ne pas les avoir consultées, là, c’est un vide absolu qui manque et qui peut faire déraper sur les solutions qui sont trouvées, etc. Donc, c’est une vraie question et c’est intéressant de dire qu’il y a beaucoup de choses. On est dans un pays riche. Il y a quelques années, je me disais qu’on n’arrivait pas à réduire la pauvreté et pourtant, je constate qu’il y a de plus en plus d’emplois d’assistants sociaux, d’éducateurs,… plus d’associations, etc etc. Ne croyez pas que je tire à boulets rouges sur l’associatif quand je dis ça. Je ne dis pas que ce sont les travailleurs sociaux qui ne font pas bien leur travail, mais à un moment donné, on est obligé de se poser des questions dans la société et c’est le rôle des réseaux. Il faut savoir où l’on en est au niveau de la pauvreté. Est-ce que l’on n’est pas trop sur le chemin -depuis des années – d’organiser une gestion de la pauvreté et pas une sortie de la pauvreté dans la manière dont tous les Services publics sont organisés, dans la manière dont l’argent et les chiffres sont utilisés ? Il y a tellement de chiffres sur la richesse et il faut savoir aussi s’intéresser à la richesse. C’est vraiment pour se poser ces questions que l’on se voit aujourd’hui, pour savoir comment se les poser. Cette multitude de Services qui existent… et que voit-on aujourd’hui ? Qu’on a toujours envie d’en créer un de plus, et un de plus, et un de plus… ! Il y a de plus en plus de gens qui s’appauvrissent matériellement. Il y’a de plus en plus de gens qui ont recours à l’aide alimentaire. Il y’a de plus en plus de gens qui ont perdu confiance dans nos institutions et ne voient pas comment on peut les aider à sortir de la réalité dans laquelle ils sont. Est-ce que l’on va continuer à créer une multitude de Services ou est-ce que l’on va se poser nous aussi la question pour laquelle dans énormément de Services publics et institutions, les travailleurs se disent : « Est-ce que l’on va continuer à travailler dans un puits sans fond ? » On sait bien qu’on va faire tout ce qu’il faut ; on sait bien qu’il y’a énormément de gens qui seront aidés valablement mais peu d’entre eux sortiront réellement la tête hors de l’eau. On peut parler des méthodes et de tout ce que l’on veut, mais la majorité des travailleurs sont animés par le souhait que cela aille vers le haut. Encore faut-il que le contexte offre l’opportunité que cela aille vers le haut et donc, en cela, pour nous, au Réseau, le gros travail dans la lutte contre la pauvreté, est parfois moins de s’intéresser aux acteurs sociaux que de s’intéresser aux politiques structurelles autres qui sont à l’origine de la pauvreté dans notre pays. Prenons l’enseignement, par exemple. On a dans notre pays un enseignement obligatoire qui cristallise les inégalités. Cela fonctionne bien avec des enfants issus de familles aisées mais cela fonctionne nettement moins bien avec des enfants issus de familles pauvres et d’origine étrangère. Ce n’est pas deux enseignements différents, on ne parle pas d’écoles pour les pauvres et pour les riches. Quand on prend la statistiques sur les enfants de familles aux revenus les plus élevés, on fait partie de l’enseignement le meilleur au niveau européen, mais quand on prend les statistiques pour les enfants issus de familles pauvres et immigrées, on remarque que l’on réussit le plus mal et c’est cela qui fait baisser notre moyenne européenne. C’est dire à quel point on réussit mal pour parvenir à baisser une statistique pour que l’on soit finalement les avant-derniers au niveau européen dans l’enseignement. Les inégalités posent problème à ce niveau-là. De nouveau, on ne doit pas les pointer mais c’est un très gros chantier. On doit se poser la question de l’organisation de l’enseignement, comment on choisit son école dans notre pays,… La question gigangesque qui ne sera, je crois, jamais réglée concerne les réseaux. Pourquoi faut-il des réseaux ? Dans des pays comme la Finlande et les pays du nord, une des caractéristiques qui aide à lutter contre les inégalités à l’école est que les parents ne choisissent pas les écoles de leurs enfants. Ils ont le droit de donner un avis mais les enfants sont orientés vers les écoles de quartiers et les plus proches. On évite ainsi les tentations d’aller vers d’autres écoles.
Le logement est également une grosse question. Ce n’est pas par hasard qu’évidemment, un énorme pourcentage des personnes sinistrées sont celles qui étaient déjà auparavant en grande précarité. Dans les vallées de la Hoêgne et de la Vesdre, on trouve des logements bon marché mais en mauvais état. Cela veut dire qu’il faut se poser la question énorme suivante : « Comment faire pour que ces personnes s’en sortent gagnantes après les inondations ? » La question du logement est une clé de voûte car le logement est prioritaire.
En ce qui concerne les revenus et les statuts, il faut être reconnu et avoir un revenu. Les personnes sans abri et d’origine étrangère ont de nombreuses difficultés à être reconnues. La dématérialisation ne leur permet pas d’avoir accès à de simples services comme, par exemple, acheter un ticket de bus sans carte bancaire. Ces personnes n’ont pas accès au compte bancaire et n’ont donc pas le droit d’effectuer des achats nécessitant un compte en banque. On n’a pas vu des gens sans statut s’appauvrir lourdement mais c’est également le cas pour des personnes avec un statut dégradé, comme les intérimaires, les contrats à temps partiel, les contrats temporaires,… Les statistiques montrent en fait que pendant la crise du Covid, certains ont pu épargner, d’autres ont plongé dans leur épargne, d’autres n’ont pas pu épargner tandis que beaucoup n’avaient déjà pas d’épargne avant. Ces statistiques sont très intéressantes car elles montrent qu’il ne s’agit pas d’une crise économique mais bien d’une crise qui accable la partie la plus faible de la population. Les pauvres ont encore cela qui leur retombe dessus. Tous les revenus sont importants et cela permettrait aux CPAS d’aider davantage les bénéficiaires au lieu de les contrôler. Il faut absolument supprimer ce foutu statut « cohabitant ». On est dans un pays qui applique le fait que lorsque 2 personnes cohabitent, il faut encore leur enlever une partie de leurs revenus. Un chômeur qui vit avec un autre chômeur voit ses allocations amputées d’un morceau. Un étudiant vivant avec un autre travailleur n’aura pas ce retrait d’allocations et ils pourront même faire des économies en vue de s’acheter une voiture, ou autre. Par contre, un chômeur vivant avec un travailleur subiront l’amputation d’une partie de leurs allocations, tout comme c’est le cas pour les bénéficiaires de la Grappa. La solidarité intergénérationnelle n’est pas récompensée. Le combat est titanesque mais le Réseau wallon a obtenu du Gouvernement fédéral pour toutes les régions de Wallonie le fait de figer l’application du statut « cohabitant » pour les sinistrés dès lors qu’ils sont relogés au domicile d’un chômeur, d’un pensionné, …
Donc, il faut réunir et mobiliser les associations pour demander au Gouvernement une prolongation de cette mesure à partir du 31 décembre prochain. Autrement, cela n’aura pas lieu.
Au niveau de la santé, des efforts doivent être faits car sans la santé, tout est foutu. On dénombre des personnes dont la santé se dégrade pour cause de pauvreté et de nombreuses personnes sombrent dans la précarité suite à la prise en charge de leurs problèmes de santé. Le Réseau wallon va au contact avec l’autorité politique de la façon la plus régulière possible avec la volonté d’ouvrir le dialogue, ce qui est important.
La population de l’arrondissement a subi de plein fouet les inondations. Il faut donc trouver comment lutter contre les déréglements climatiques environnementaux de la bio-diversité tout en garantissant une justice sociale pour tous. Savoir comment on ne va pas laisser au bord du chemin les plus vulnérables qui seront ceux qui auront les moins bons logements, qui seront ceux qui garderont les voitures les plus polluantes, qui seront ceux qui s’alimenteront le plus mal avec la nourriture des grandes surfaces, etc… La situation est urgentissime. Comment faire ? C’est un enjeu très important. On parle de construire des logements dans des zones inondables comme en Hollande. On a l’impression qu’il s’agit de science-fiction sauf que quand il y’a de l’argent, tout est permis. Comment fait-on pour essayer de s’aider davantage et de trouver des solutions pour tout le monde et pas seulement pour ceux qui peuvent se sauver par le haut ? Le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté travaille sur une réforme majeure de la fiscalité qui serait majeure ; on est associés sur cette réforme avec le Réseau pour une justice fiscale. On ne peut pas tout porter seuls et il y’a des gens plus investis dans une matière avec une connaissance de fond. On sait qu’il faut une réforme fiscale pour permettre un repartage équitable entre tous, mais on s’allie à d’autres qui ont une connaissance plus technique pour monter au créneau avec ces associations. On essaie en effet de suivre la construction des plans de lutte contre la pauvreté ; par moments, on est consultés, à d’autres moments, non. On en a un peu assez d’être trop souvent invités en fin de discussions et cela devient difficile de toucher à quoi que ce soit. Il faut une pratique et une habitude de vraie consultation plus fréquente. On est autour de la table régulièrement. La Région wallonne vient de finaliser son plan de sortie de la pauvreté. On ne peut pas dire qu’on ne sait pas ce qu’il y’a dedans. On l’a vu la première année mais depuis, on ne l’a plus revu et il est passé au Gouvernement. Ce Plan n’a pas encore été médiatisé, on ne l’a pas encore vu mais il existe. C’est ça aussi le contexte dans lequel on travaille. Il y aura probablement des choses intéressantes que le Réseau souhaite mais sera-t-il accompagné d’un budget sérieux ? Il faut que le budget soit orienté sur la sortie de la pauvreté. Il y’a un Plan de sortie de la pauvreté que l’on peut facilement consulter sur le site de la Fédération Wallonie – Bruxelles. A la décharge des politiques, il est vrai qu’on arrive à une 2ème législature et qu’il y’a eu le Covid, les inondations,… On travaille sur d’autres dossiers en permanences et on constate quand même un déséquilibre. On ne s’arrête généralement pas sur les dossiers économiques. En Fédération Wallonie – Bruxelles, le Plan colle fort à la déclaration de politique communautaire et ne s’engage pas fort en matière de résultats mais il y’a quand même des choses qui se font. Il faut toujours recenser aussi ce qui se fait pour pouvoir pousser plus loin et attaquer aussi sur les choses qui n’avancent pas. Par exemple, au niveau de l’enseignement supérieur, il y a énormément à faire en matière de précarité des étudiants mais tout n’est pas réalisé. Par contre, des enveloppes sont données mais on pourrait faire mieux.
Un Plan au niveau fédéral est toujours en construction. On a été consultés au début puis de moins en moins, donc on ne sait pas comment ça avance… Je pense qu’au niveau fédéral, cela ne va pas être simple. Il y’a quelques semaines, ça a bien avancé mais maintenant, malgré la volonté de la Ministre, on constate que cela ralentit à nouveau. Il y a des tensions importantes au niveau du Gouvernement.
Ce qui n’est pas simple non plus par rapport à la réalité, c’est qu’on peut comprendre que les citoyens et les associations dénoncent les choses depuis longtemps. Ils en ont assez et voudraient plus de radicalité au lieu d’avancer à petits pas. En ce qui concerne le sans-abrisme, il faut y mettre les moyens et avoir la conviction que c’est une évidence que la majorité des personnes dans la rue n’ont jamais souhaité y être. On ne peut pas réussir quelque chose en imposant des décisions. Il faut faire confiance à la population concernée et les aider à concrétiser une sortie du sans-abrisme. Si on ne met pas une politique de sortie du sans-abrisme et qu’on continue à lutter pour aider les sans-abris en hiver, on ne se dira pas qu’on meurt autant en été qu’en hiver du sans-abrisme.
L’autorité publique ne veut pas entendre certaines revendications mais il faut pourtant agir pour faire changer les choses. On a trouvé des milliards pour la crise bancaire, le Covid, … 25 % de la population wallonne qui est dans la pauvreté, est-ce que ce n’est pas une crise ? C’est des drames familiaux, des pertes d’emploi,… Il y’a une partie des politiques qui ne trouve pas cela urgent et qui n’agit pas contre cette grande précarité. Par contre, des propositions seront faites prochainement au Gouvernement pour faire baisser les prix de certains biens et services. Il faut réformer beaucoup de choses car aujourd’hui, on repart en sens inverse car plutôt que de régler le problème, on continue d’aider les sociétés de recouvrement de dettes qui vivent de la pauvreté des gens et que se paient au passage et tendent à proliférer toujours plus. On doit mener un combat en collaboration avec les CPAS car les huissiers se réunissent pour tenter de créer des plate-formes de gestion de la dette et veulent se mettre directement en relation avec les CPAS pour gérer la dette des gens. C’est déjà le cas actuellement, rappelle Monsieur Houart. Comment pourrait-on imaginer laisser la main aux huissiers pour gérer la dette des personnes vulnérables ? C’est l’Etat qui doit s’occuper de la dette. Eviter la dette, c’est d’abord éviter les intérêts de retard mais surtout réduire le prix des choses car en Belgique, tout a un prix exorbitant. Pour la téléphonie, c’est scandaleux ! En ce qui concerne l’alimentation, il suffit de passer la frontière pour constater qu’un certain nombre de produits de base sont nettement moins chers dans les pays comme la France, l’Allemagne ou la Hollande.
En Belgique, des tas d’articles sont beaucoup plus chers qu’ailleurs. 5 % de hausse qui s’expliquent par la position géographique mais il y a 5 % supplémnetaires qui ne s’expliquent pas ! Le Gouvernement ne s’attaquait pas au surcoût de 5 % inexpliqué. Donc, aujourd’hui, malheureusement, dans le chemin qui est pris, on continue de voir proliférer les gestionnaires de la dette. Il n’y a quasi plus aujourd’hui un seul hôpital qui ne fait pas appel à des Services de recouvrement de dettes. Il y’a même des établissements scolaires qui font appel à ce type de Services pour réclamer des sommes auprès des familles pour des frais cumulés.
Les CPAS sont acculés parfois car ils sont tellement sollicités qu’ils ne peuvent aider tout le monde. Leur volonté est d’aider mais la législation ne le permet pas car il faut avoir moins de revenus pour avoir droit à l’aide du CPAS. Le CPAS tente toujours d’intervenir par les enveloppes remboursées par le fédéral et cela veut dire que beaucoup de gens n’auront pas accès à une aide et verront leur situation se dégrader avant d’avoir accès à cette aide. On fait du trop peu et du trop juste tout le temps. Il y’a aussi le problème des seuils de pauvreté. A 1 € près, on tombe dans une catégorie qui peut augmenter fortement les taxes annuelles.
Dans certaines familles, lorsqu’un enfant n’est plus à charge, les parents se retrouvent dans une situation dramatique. Les gens tombent dans une spirale infernale et n’en sortent plus ».

Alain HOUART :
« Je vous remercie pour votre vue politique et presque philosophie des problèmes. Vous avez dit qu’on disqualifiait les pauvres et avec la gestion des institutions, on ne trouve pas de sortie à la pauvreté. C’est ce que je vis au quotidien dans la modeste association dans laquelle j’ai la chance de travailler.Vous avez une vue d’ensemble plus complète avec toutes les associations que vous cotoyez et vous avez la chance de voir les choses de manière plus optimiste que ce que je les vois. En tant qu’avocat, et parce que je connais bien le mécanisme judiciaire, je vous propose de prendre l’exemple d’une personne en situation de pauvreté qui reçoit une amende de stationnement de 25 €. Une fois son loyer payé, elle n’a pas les moyens de payer cette amende alors, elle ne la paie pas. Après un certain temps, lorsque l’huissier vient saisir chez cette personne, les 25 € sont devenus … 700 € ! On va recevoir cette personne en médiation de dettes et on va lui dire : « vous allez payer cette somme à raison de 20 € par mois pendant un siècle ! » Ca me fait bondir ! Je ne suis pas particulièrement communiste mais je dois bien dire que je n’accepte pas ça ! J’ai été avocat pendant 25 ans et 15 ans en tant que magistrat et quand je lis que nous sommes toujours confrontés tous les jours à ce genre de situations, je m’en énerve encore à mon âge ! Et quand j’entends Mme Mahy nous dire qu’on va dans une forme de gestion de la pauvreté plutôt que de la combattre et quand je vois qu’on a l’eau, l’électricité les plus chères d’Europe, … On ne peut pas dire aux personnes de se passer de toutes ces choses qui font partie des besoins primaires. C’est vraiment choquant et il faut absolument réformer le système.
Lorsque l’on reçoit d’un huissier une dette de leurs clients que sont Proximus, Electrabel, la Ville de Verviers – qui n’est quand même pas la dernière à récupérer les taxes communales – il faut quand même bien le dire … Tout cela arrive chez le même huissier qui recevra toutes les créances à récupérer chez une même personne . Il se chargera de répartir la récupération de la dette chez les créanciers. Les huissiers sont aux premières loges en matière de dettes car ce sont eux qui récupèrent les dettes auprès des débiteurs. Alors, comment éviter d’avoir des dettes sur des choses pareilles ?
J’ai vraiment apprécié l’intervention de Mme Mahy qui a fait la part des choses et qui n’a pas été excessive. J’aurais encore beaucoup de questions à lui poser …

Lorsque la santé est en concurrence avec une situation de pauvreté, on a de la pauvreté contre laquelle il est difficile de lutter. Certains organismes, tels que les maisons médicales tentent de répondre à ce problème. Mme Haulet va nous éclairer à ce sujet ».

Christel HAULET, Accueillante à la Maison médicale « Le Braséro » à Verviers
« Je n’aurais pas la prétention de dire que je peux régler les problèmes mais j’y contribue en essayant de donner l’accès à une santé pour tous. Je suis accueillante à la Maison médicale Le Braséro, située rue du Palais à Verviers. Je vais expliquer comment fonctionnent les maisons médicales. Je pourrais parler de ce sujet pendant des heures et je vous propose de suivre une petite vidéo et de repérer les mots-clés qui vous parlent. Cette vidéo explique ce qu’est une maison médicale. Les mots-clés importants sont : santé de manière globale, prévention, se prendre en charge, solidarité,… Concrètement, Le Braséro est une ASBL soumise à l’AVIQ et qui fonctionne avec les médecins, infirmières et kinés. Il y a une particularité qui vise au bien-être de tous, autant les patients que les employés. Les décisions sont prises en équipe et chaque voix à la même valeur. Cela s’en ressent chez les usagers qui y sont accueillis. La principale fonction concerne évidemment les soins globaux et de voir de façon pluridisciplinaire comment intégrer le travail en réseau. Il s’agit d’une médecine de proximité. On propose des soins 24 h sur 24 et 7 jours sur 7 par un système de garde mis en place dans l’arrondissement de Verviers. Les soins sont accessibles financièrement et il y’a aussi des activités de prévention et de promotion de la santé. Cet organisme effectue aussi des statistiques sur les patients et cela permet d’adapter le Service par rapport à celles-ci et joue un rôle d’observateur. Pour cela, la maison médicale Le Braséro est soutenue par la Fédération des maisons médicales qui fêtera bientôt ses 40 ans d’existence. Cette fédération a pris cours au début des années 70 où l’on a constaté que le système de santé fonctionnait déjà à 2 vitessses et il fallait donc réagir pour contrer cette constatation. Un projet de société a été pensé où la santé serait pour tous, c’est alors que les maisons médicales ont été créées. Une charte et des valeurs communes ont été établies. Il y a 5 grandes valeurs qui sont défendues par la fédération : la citoyenneté, l’autonomie, la solidarité, le respect de l’altérité et la justice sociale. Ces valeurs sont fondamentales et permettent à tous d’être entendus selon ses besoins. Sur le territoire verviétois, 3 maisons médicales fonctionnent sur ce mode : la maison médicale Mosaïque, la Bulle d’air et Le Braséro qui n’a que 5 ans d’existence. On fonctionne sur inscription à condition d’être domicilié sur les communes dont le code postal est 4800, 4801et 4802. Il faut être en ordre de mutuelle ou bénéficier d’une convention avec le CPAS ou FEDASIL. Nous accueillons aussi les personnes qui n’ont droit à rien sous certaines conditions. Au niveau financier, le forfait est appliqué. Un contrat est signé entre la maison médicale, le bénéficiaire et la mutuelle qui, chaque mois, paiera le forfait qui est le même pour tous dans les 3 maisons médicales verviétoises. La maison médicale assurera donc les soins pour les médecins, kinés et infirmières. Les avantages sont nombreux : le forfait permet d’élaborer un pot commun, le bénéficiaire peut se présenter autant de fois qu’il le souhaite pendant le mois, il sera soigné selon ses besoins et non selon ses moyens. Par contre, le forfait ne concerne pas les spécialistes car il s’agit d’une médecine de proximité basique. Les maisons médicales sont des maisons généralistes et non spécialistes. Le Brasero a étendu ses services et permet de consulter une assistante sociale ainsi qu’un psychologue. L’aspect financier est donc un levier important pour lutter contre la pauvreté. Les patients sont reçus dans un lieu commun et ne doivent donc pas à chaque fois réexpliquer leur situation. Les freins sont institutionnels dans le sens où l’on ne peut accueillir plus de patients que permis et actuellement, 1.500 patients sont reçus à Verviers. Pour les personnes en statut particulier, on ne peut en accueillir trop car le pot commun serait vite épuisé. Autre frein : il est diffiicle de trouver des médecins qui acceptent de travailler en maison médicale.

Question :

  • Comment faites-vous lorsque vous recevez des personnes qui ne parlent pas en français ?
    Réponse :
  • Nous travaillons avec un partenaire qui s’appelle Intercult et qui met à notre disposition des traducteurs pour recevoir les patients en consultation. Nous pouvons également entendre les personnes en visio-conférence et répondre ainsi à leurs questions. Grâce à Intercult, tout le monde peut être soigné et compris.

Serafina FORTUNA, Responsable du DUS – Dispositif d’Urgence Sociale
Notre Service dépend du CPAS de Verviers et a pour but de faire prendre conscience aux bénéficiaires qu’ils ont des ressources et qu’il faut les mettre en évidence pour atteindre une forme d’autonomie. Il faut les aider à exploiter cette autonomie en vue de mettre des ressources en place pour les aider à sortir de leur situation difficile. L’aide alimentaire, les soins, les besoins paramédicaux touchent toutes les populations en énormément de domaines. Depuis environ 4 ans, on constate que la pauvreté prend d’autres visages et des personnes différentes se rendent au DUS ; il s’agit de gens qui n’ont pas l’habitude de pousser la porte des Services sociaux. Il faut que les personnes se déculpabilisent car cela leurs arrive souvent suite à des accidents de la vie. Le DUS est résiduaire et intervient donc en urgence car une aide immédiate est nécessaire. Le DUS mobilise les ressources de chacun et utilise les structures d’accueil en tout dernier recours car il n’y a pas assez de place et il faut faire des choix pour aider les familles. Les travailleurs sociaux sont parfois en souffrance de devoir faire tel ou tel choix mais il faut savoir que nous sommes tributaires du contexte économique, politique et social qui ne permet pas de venir en aide à tous en même temps. Quand des familles se font expulser, il est important de les accompagner de près et de partager ce moment pénible avec elles car cela apporte une intimité qui permettra de trouver des solutions par la suite. Le DUS suit 3 axes : une permanence est ouverte à raison de
24 h / 24 et le Service est financé partiellement par le Relais social urbain avec une compétence d’arrondissement. Le montage est complexe. L’objectif est de lever l’urgence jusqu’à ce qu’un autre accompagnement valable soit trouvé. L’aide passe aussi par la guidance budgétaire mais certains ne peuvent être orientés vers des structures plus classiques. Le 2ème axe est l’aide et le suivi aux personnes SDF. L’adresse de référence permet l’aide sociale avec toutes les règles que le CPAS doit respecter. La personne doit démontrer qu’elle est effectivement bien à la rue. Il y a de nombreuses règles comme l’enquête sociale à mener. On organise aussi le paiement et le suivi des SDF en accord avec eux et les modalités de cet accompagnement seront négociées au cas par cas. Cela peut aller de la remise en ordre administrative, comme le fait de demander une nouvelle carte d’identité, à des choses plus complexes mais les personnes qui sont errantes peuvent changer de ville à tout moment et les situations se compliquent. On a développé un 3ème axe qui est l’hébergement temporaire financé par le Plan de cohésion sociale. Il s’agit de l’abri de nuit ou de logements temporaires avec l’idée de se dire que les personnes qui sont hébergées temporairement peuvent y rester plusieurs mois. Il faut prendre le temps de déterminer ensemble des plans d’action pour retrouver un logement. Parfois, cela fonctionne mais avec des situations familiales compliquées, cela n’est pas évident. Nous avons signé une convention avec Logivesdre car alors, le CPAS devient le locataire du logement, du moins temporairement. Ce système de bail glissant a le mérite de permettre à certaines personnes qui ont accepté un accompagnement social d’accéder à un logement et elles peuvent bénéficier d’une guidance budgétaire lorsque leur situation le nécessite. Ce Service gère les situations d’urgence mais peut également prendre en charge les personnes dans leur globalité. L’abri de nuit est agréé depuis 2017 et fonctionne avec un réglement d’ordre intérieur ; il est accessible pour un maximum de 3 nuits par semaine étant donné qu’il y a plus de gens dans la rue que de lits disponibles. L’urgence est levée mais il faut surtout accompagner les bénéficiaires et les emmener vers autre chose : logement, cure de désintoxication,… Tout projet est important et permet de garder le contact. L’accompagnement permet de vérifier les niveaux d’autonomie et d’éviter aux bénéficiaires de sombrer dans la précarité.
Questions/Réponses :

  • Comment peut-on orienter des personnes vers le DUS le week-end ?
    « Nous sommes joignables à tout moment au numéro de téléphone : 087/35 21 21 »
  • Aidez-vous les personnes sans-papiers ?
    « Oui, nous recevrons ces personnes et les enverrons vers l’Espace 28 ou les Services du CPAS qui ont une meilleure connaissance de cette problématique. S’il y’a lieu d’héberger une personne temporairement, nous le ferons également ».
  • Combien de sans-abris y’a-t-il à Verviers ? Quelles sont les statistiques ?
    « La collecte de données a été établie par le Relais social urbain.
    45 personnes différentes ont utilisé l’abri de nuit – 19 familles et une vingtaine d’enfants sont passés également au DUS. Beaucoup n’ont pas envie d’être catalogués comme SDF et déclarent être hébergés chez un tiers ».
  • Existe-t-il quelque chose pour aider les femmes battues qui sont prises en charge ?
    « Oui, on les oriente directement vers le Centre « L’accueil » à Verviers. Si une femme doit être éloignée de Verviers, elle sera réorientée vers « Les tournesols » à Malmedy ou « Le collectif des femmes battues » à Liège. Cette prise en charge sera effectuée en collaboration avec la police. Certaines femmes sont en situation administrative ou légale précaire et se trouvent contraintes de rester avec un mari tyrannique car administrativement, il n’y a pas de possibilité de faire autrement et ces situations sont vraiment horribles. Certains problèmes ne sont pas résolus car beaucoup de femmes n’ont pas les moyens financiers ou psychologiques de quitter leur mari, de nourrir leurs enfants, de louer un autre appartement, … On ne peut pas tout faire malheureusement. On remarque qu’il est de plus en plus difficile de se loger car les loyers sont plus élevés depuis les inondations alors que les logements ne sont pas meilleurs. Les familles n’ont pas les moyens de quitter des logements assez insalubres et ne trouvent aucune solution. Les prix augmentent et avec un revenu d’intégration, il est très difficile de payer le loyer de ces logements ».
  • Que faites-vous pour les personnes qui consomment ?
    « On ne s’occupe pas de la consommation et on a sciemment décidé de mettre en place une auto-gestion. La consommation n’est pas interdite car à Verviers, plus de 90 % des utilisateurs de l’abri de nuit sont des consommateurs alors, on a préféré s’attarder sur les conséquences de la consommation. Si l’abri de nuit est respecté et qu’il n’y a pas de problèmes entre les utilisateurs, il n’y aura pas de problèmes. Celà peut étonner mais il faut savoir que la consommation est inclue dans le calcul du budget. L’abri de nuit est un lieu communautaire où il faut pouvoir vivre ensemble sans heurts.

Katja LONEUX, Cheffe de projets Plan de Cohésion sociale de la Ville de Verviers
Nous nous inscrivons dans la lutte contre la pauvreté et promouvons les droits fondamentaux pour tous. Nos actions sont réparties sur différents axes pour une solidarité responsable ouverte à tous sans exception. Différents Plans de lutte contre la pauvreté ont été établis. Le Plan 2020 / 2025 comporte des axes qui sont : le droit au travail, à l’apprentissage et à l’insertion sociale, à savoir que notre action a pour principe de lever les obstacles pour un public avec problèmes de santé mentale ou handicap. Nous les accompagnons vers une autonomie, avec une équipe composée d’une psychologue, d’intervenants sociaux, avec l’idée de les diriger vers le marché du travail et de l’emploi. Les codes sociaux sont extrêmement codifiés et ce public a donc de grandes difficultés à combler ses lacunes de base pour pouvoir s’insérer dans la société. Cet axe est très important pour une question de revenus, de valorisation, d’intégration et de responsabilité par rapport à la société. Il s’agit principalement d’un moteur pour aider les personnes à s’émanciper davantage. Un autre axe concerne le droit au logement qui doit être décliné de différentes façons et les intervenants sociaux de terrain sont là pour aider ces personnes à trouver un logement accessible financièrement, proche du centre urbain, et dans un état correct. Cela demande donc un accompagnement pour lever les discriminations et pour pouvoir aider ces personnes à se maintenir dans le logement avec une amélioration de leurs conditions de vie, et une suppression de l’isolement,… Notre action est aussi de faire réaliser de petits travaux en contrepartie d’une contribution financière minime. Nous avons un partenariat avec des entreprises afin d’effectuer des travaux et rapprocher ainsi les personnes avec une qualité de vie plus grande et lutter contre la pauvreté avec l’amélioration des conditions de logement. Le fait d’intégrer la personne à son quartier, à son voisinage, à son propriétaire, permet d’apaiser les tensions et de la maintenir dans un climat favorable. La santé fait partie de nos combats. Une action préventive permet aux consommateurs primaires, secondaires, voire récidivistes, d’être amenés vers une conscientisation par rapport à leur consommation que nous ne diabolisons pas car elle est un tremplin pour la rencontre entre consommateurs et l’éveil vers un mieux-être. Il faut savoir que nous créons du lien social par des groupes de parole, des rencontres autour d’activités sociales permettant de se retrouver et de se sentir plus forts ensemble, et de développer des projets communs. Nous sommes partenaires de différentes ASBL qui ont, elles aussi, des projets novateurs, comme par exemple : La belle diversité qui développe un projet d’échange et d’apprentissage de savoirs. Le public s’approche et chacun reçoit de l’un et de l’autre ; c’est ouvert à tous et la mixité sociale y’est bien présente. Nous soutenons également les actions de Télé-Service et recevons les bénéficiaires dans un lieu convivial d’échanges pour y jouer à des jeux de société, avoir des ateliers, avec le but d’être bien ensemble. Par rapport au droit à la participation citoyenne et au développement démocratique, nous sommes dans une envie de soutenir des initiatives citoyennes construites par des citoyens avec, pour notre part, un rôle d’observateur et d’appui pour rendre des idées concrètes. Nous avons mis sur pied « La fabrique des liens » autour de différentes initiatives dans les quartiers comme : une plaine de jeux accessible aux personnes à mobilité réduite, l’accès à une boîte à livres dans les quartiers, la possibilité de pouvoir disposer d’un potager partagé,… Nous avons aussi aidé l’ASBL Revert pour la création de son potager partagé. Nous rappelons également aux citoyens qu’ils sont les acteurs de l’amélioration de leur quartier. Au niveau de la mobilité, nous avons un projet qui propose des chauffeurs bénévoles sur lesquels peuvent s’appuyer les personnes à mobilité réduite, pour un prix modique de 0.34 € par km et pour tous types de déplacements. Cela permet aux personnes de se rapprocher de tout ce qui peut leur être utile et le public est très large. Après les inondations, beaucoup ont eu besoin de faire effectuer de petits travaux dans leur domicile et en contrepartie d’une petite participation financière, ils ont pu y accéder.
Par rapport à toutes ces actions, le Plan de cohésion sociale, a, au moment des inondations, été totalement en poste et récolté la parole des citoyens, les a assistés au point de vue psychologique, et pour la suite au niveau administratif, les actions de réseaux pour l’aide matérielle, pour partager des demandes communes canalisées et qui aboutissent. cela a évité les lenteurs et le CPAS a été très actif pour nous assister dans ces démarches. Nous sommes toujours actuellement dans le suivi de ces personnes qui ont pour la plupart été délocalisées et qui souffrent de ne plus résider dans leurs quartiers. Un véhicule nous a été prêté par la société BMW /MINI et nous permet de transporter les sinistrés et les aider dans leurs démarches. Un sentiment d’abandon, de lenteur administrative, d’être livré à soi-même nous revient mais nous luttons contre cela en nous rendant à domicile, en aidant pour les démarches, en apportant du soutien psychologique et une aide numérique. Tout cela permet d’alléger la charge mentale de ces bénéficiaires et c’est d’autant plus important à l’heure actuelle On est investis à ce titre en tant que Service social mais aussi pour toute la population. Ces Services sont gratuits et se trouvent actuellement rue Lucien Defays dans les locaux de la Maison de l’Egalité des Chances car nos locaux de la rue des Alliés ont été sinistrés. Notre équipe compte 13 personnes avec en tout et pour tout 5 assistants sociaux. L’équipe a été déforcée par les multiples crises. On doit de plus s’adapter à nos locaux actuels. On est toujours dans les quartiers et acccessibles pour tous types de demandes et nous remplissons notre fonction de Service de premier appui. Nous comptons développer notre vingtaine d’actions – dont certaines sont mises en veilleuse actuellement – et poursuivre nos actions de terrain.

Questions :

  • Je cite ces mots : « Pauvreté, gestion de la pauvreté et sortir de la pauvreté – et ces quartiers : « quartier de Pré-Javais, quartier de Hodimont et quartier d’Ensival ». La ville de Verviers est la 2ème ville la plus pauvre de Belgique. Ce n’est pas nouveau, c’est le cas depuis des décennies. La politique a changé et pourtant ce problème de pauvreté persiste toujours. Pourquoi ?
    Réponse d’Alain Houart :
  • « Il est évident que la pauvreté n’est pas une fatalité. Eloigner la pauvreté est tout l’objet de la gestion de la société et essayer d’apporter à chacun le maximum de bien-être. Les politiques mettent l’accent sur l’égalité des chances, d’autres sur le logement,… Toutes les sensibilités politiques sont différentes et je suis d’accord avec vous pour dire que la pauvreté est restée bien présente. Il ne faut pas laisser tomber les bras mais on ne peut pas changer l’histoire. A Verviers, les industries qui étaient florisssantes ne le sont plus du tout, voire ont totalement disparu. L’aide sociale a parfois tardé à venir puisqu’elle doit se reposer sur les gens qui n’en ont pas besoin or, il y’en a de moins en moins. Les CPAS peuvent aider de moins en moins de pauvres. La prospérité se crée d’après les circonstances économiques favorables ou pas. Cette question est importante et intéressante mais est un peu large pour le problème qui nous occupe aujourd’hui ».

Elisa PONS, Médiatrice de dettes du Service social du Centre F/H – Verviers
« On a déjà beaucoup parlé du sujet et je vais vous parler des actions prises en charge par mon Service.
On sait que la pauvreté était déjà très présente à Verviers et elle a été aggravée par le Covid et les inondations. Concrètement, à mon niveau, pour lutter contre la pauvreté, je reçois des gens qui se trouvent dans une spirale d’endettement de laquelle, ils ne savent pas sortir. L’endettement principal concerne des soins de santé non payés. Dès lors, je leur propose une médiation de dettes adaptée.
Les bénéficiaires seront orientés vers 4 types d’aides distinctes :
1) La gestion budgétaire avec un compte cogéré et j’effectue les paiements quotidiens pour une meilleure gestion du budget du ménage;
2) Dans la guidance budgétaire, je ne gère pas les finances mais je soutiens, conseille et aide à une bonne gestion. Parfois, certaines personnes viennent me trouver parce qu’elles sont dans des situations critiques : elles n’ont plus rien à manger pour le week-end, elles cherchent un logement, etc… Je les dirige alors vers le DUS et grâce au tissu asssociatif verviétois, on arrive à trouver des solutions. C’est parfois très difficile et compliqué mais on arrive à les aider à s’en sortir.
3) La médiation de dettes à l’amiable où j’ effectue un inventaire des dettes avec les créanciers et je propose des plans de paiements (partiels ou ou totals, momentanés ou à vie). L’argent restant servira à payer les factures en cours.
4) Si une médiation à l’amiable n’est pas possible, je rédige une demande de règlement collectif pour réduire les frais et permettre ainsi d’éviter la casse pour les bénéficiaires. C’est une médiation de dettes judiciaire. Celle-ci permet de rembourser tout ou en partie les dettes tout en garantissant aux médiés des conditions de vie dignes. Les intérêts des dettes et saisies sur salaires sont bloqués.
Si on n’y prend garde, les frais de justice deviennent très élevés.
On doit essayer dans la mesure du possible, de leur offrir une vie digne. Mais malheureusement, c’est compliqué. Certaines personnes ont les moyens de payer leurs factures mais pour d’autres, je dois calculer au centime près. A cela s’ajoutent des problèmes de santé qui aggravent encore les situations car les frais d’hôpitaux augmentent la dette et il faut que ces personnes puissent continuer à manger à leur faim.
Avec l’aide de Monsieur Houart, nous organisons des groupes d’appui qui permettent de faire de la prévention au surendettement, c’est-à-dire comment faire pour s’en sortir ? Comment lutter contre les huissiers qui abusent de certaines situations ?
Alain Houart, notre juriste fait en sorte que les difficultés ne s’accumulent pas.
J’organise des permanences à raison de 2 demi-journées par semaine : les mercredis après-midi et vendredis matins. Je suis consciente que c’est un peu compliqué alors je suis toujours disponible par téléphone pour que les personnes puissent me joindre.
Alain Houart assure une permanence juridique une fois par semaine et sur rendez-vous pour aider les personnes dans leurs démarches juridiques. Plus précisément, il soutient les personnes étrangères.
En 2002, nous avons créé un service d’intégration sociale qui est nouvellement géré par ma collègue, Marine Vandersmissen. Il est accessible aux personnes issues de l’immigration à raison de deux permanences par semaine les lundis matin et jeudis après-midi. Nous savons par expérience que les problèmes peuvent arriver par manque de compréhension des documents. Nous restons disponibles pour répondre à toutes les questions que les bénéficiaires voudraient nous poser.
Depuis 2002 également, nous proposons des cours ALPHA/FLE et depuis 2016 des cours de citoyenneté. Ils sont gérés actuellement par Mme Keuninckx pour permettre aux apprenants d’acquérir la nationalité belge. C’est un parcours compliqué et ces cours sont obligatoires pour y arriver.
Nous avons également des cours de PMTIC données par Mme Asri, ces cours aident aussi à lutter contre la précarité car tout devient informatisé et les démarches se font en ligne. L’application « ITSME » permet de se connecter pour avoir accès aux documents en ligne (comme la ville, le SPF Finances, le COVIDsafe…). Mme Asri leur apprend à rédiger des CV, à effectuer des recherches, …
La première mission de notre ASBL est de lutter contre les inégalités et les violences faites aux femmes (la première dénomination lors de sa création en 1981 était une antenne « d’Infor femmes Bruxelles » et par après, elle est devenue « Centre Femmes » avant de devenir « Centre Femmes/Hommes-Verviers »).
Depuis lors, elle a continué à se battre contre les inégalités et les violences faites aux femmes et organise des colloques/débats sur le sujet. C’est un thème qui tient fort à cœur à notre présidente et qu’on continuera à défendre car c’est un sujet très important dont on ne parle pas assez. On organise également des ciné-clubs/débats sur des thématiques de la vie quotidienne afin d’échanger et de débattre dans le respect des idées personnelles.
Nous avons la chance d’avoir une écrivaine publique pour aider les personnes à trouver du travail et se sortir de certaines situations.

Conclusions par Anne DELVENNE, Coordinatrice générale du Relais social urbain
« Il est toujours difficile d’intervenir en fin de colloque quand c’est aussi dense et lorsque les gens sont fatigués et je le comprends. J’ai une double mission, demandée par Mme Gerlach, qui consiste à faire une sorte de conclusion et à présenter les actions du Relais social urbain en matière de lutte contre la pauvreté. Notre organisme est financé exclusivement à la base par la Région wallonne depuis 2004. Nous avons une compétence d’arrondissement. Dans quelques mois, le plus tôt possible j’espère, nous allons intégrer les 20 CPAS de l’arrondissement. Cela aura un avantage important car nous nous mettrons autour de la table avec des forces, des poids, et des couleurs complètement différents. Je trouve qu’au bénéfice des personnes qui sont en précarité, c’est un plus, c’est un dialogue. On a été créés parce qu’on avait l’option d’être un Service public avec des garanties et une continuité de fonctions, avec une certaine longévité du Serivce en tant que tel. On voit ici que toutes les présentations qui ont été faites nous disent que la pauvreté est multiple. On est pauvres sur tellement d’axes et sur tellement de points. C’est pour cela que les nombreux Services existent car on a des missions différentes et il y’a des axes d’entrée différents également. Je dis bien des axes d’entrée car pour moi, à part le DUS qui gère les situations d’urgence, les personnes viennent avec une demande qui relèvent de l’aide alimentaire et toute une série de problématiques surviennent avec cette demande. Une multiplicité de Services et une multiplicité de voies d’entrée… Madame Mahy, en étant plus méta, reprend les vraies situations des gens. Pour moi, ce qui est important, c’est sur la base d’une demande (alimentaire, logement,…), d’écouter la personne et d’entendre ce qu’elle vit.
Aujourd’hui, c’est d’abord, et vous me comprenez très bien, d’écouter la personne et de bousculer et relayer un certain nombre d’informations. On se bat pendant des années pour obtenir un résultat mais peu importe. Parfois, on doit expliquer à des instances politiques ces situations. Le quartier de Pré-Javais a été cité de manière un peu emblématique. Le contact est coupé entre la population et la ville de Verviers. Le rôle du Relais social urbain est d’être étiquetté Service public et d’être partenaire avec une soixantaine de Services, moitié publics, moitié privés, donc on agrandit à l’arrondissement. Il est très important que le Relais social urbain relaie les problématiques et évolue avec celles-ci. On a déterminé 3 gros projets en-dehors du financement d’une partie de l’urgence sociale, qui touchent à la santé mentale, le logement et l’aide alimentaire. Mais demain, on peut travailler sur d’autres projets et d’autres thèmes. On a mis en place une épicerie sociale dans le quartier de Pré-Javais qui a été épargnée par les inondations et cet endroit est un peu comme un « chauffoir » dans le bon sens du terme dans lequel on vient discuter entre citoyens. Nous, on peut relayer pas seulement à Verviers mais aussi dans d’autres lieux et cela donne l’impression que Verviers n’est pas dans une enclave. On a commencé le dénombrement en tant qu’observatoire de la pauvreté locale. C’est réalisé dans les grandes villes et Verviers étant plus petite, on arrive en fin du dénombrement. Le Relais social urbain est une plate-forme et une fédération du Service public et de l’associatif. Nous avons un 3ème partenaire incontournable car il s’agit des personnes en difficulté elles-mêmes. Nous mettons en place des groupes de paroles. On peut activer d’autres choses et nous travaillons aussi avec des partenaires privés comme les Services Clubs qui peuvent aussi nous aider et se préoccuper de cette population. A un moment donné, on parvient à lever des fonds car on doit, pour lever l’urgence, arriver à mettre en évidence des enjeux et répondre à des demandes concrètes. Nous sommes au cœur du problème avec le Plan de cohésion sociale et Télé-Service pour aider les sinistrés à obtenir des électroménagers et faire en sorte qu’ils ne doivent pas courir partout pour les obtenir. Nous sommes donc les relais pour les aider dans leurs démarches. La demande est relayée mais en bout de course, on a des difficultés d’acheminement du matériel, ce n’est pas si évident que cela de commander 200 machines à laver, et de déterminer qui va les avoir, quelles sont les priorités,… Les Services sont confrontés à cela. Il faut à la fois que l’on réponde aux questions concrètes mais aussi qu’on pallie aux problèmes d’installation de ces machines donc, la complexité des choses fait qu’on doit arriver à temporiser pour qu’elles arrivent au bon moment… et gérer la situation avec des familles qui sont complètement perdues. Les inondations ont modifié la gestion des Services qui avaient déjà été impactés par le Covid. Comme le disait Madame Mahy, les Services sont surchargés et on a l’impression de ne pas pouvoir répondre à toutes les demandes qui se présentent. Je pense qu’ici, à Verviers, on a quand même cette espérance et cette bienveillance qui fait que de nouveau, on se relève, on reconvoque les gens, on les remet autour de la table pour discuter de solutions,… A travers une série de difficultés, on va frapper à toutes les portes et on recommence. Pour moi, c’est une caractéristique qui fait que Verviers a quand même, malgré que la ville soit classée dans les premières communes en difficultés, qu’elle soit également classée en premier lieu pour les solutions innovantes qu’on va apporter aux gens. Je voudrais qu’on sorte de ce colloque en se disant qu’on a abordé un sujet difficile et qu’on a touché au cœur de ce qui fait la vie des gens. Je suis totalement convaincue que nous avons vraiment un crédo commun et nous avons la volonté de nous battre à tous niveaux. Personnellement, il y’a 35 ans que je suis dans le social et je ne connaissais pas ces discussions entre Services, entre communes,… Cela se faisait dans des sphères qui ne nous appartenaient pas trop. Il y avait bien la Province mais on n’en savait pas trop… Aujourd‘hui, on a des interlocuteurs et on va frapper aux portes, on va les solliciter. Je ne peux pas avoir un discours politique parce que je n’ai pas ce rôle, je ne suis pas présidente mais j’ai un rôle administratif. Il faut que les priorités soient vues au niveau politique, dans l’arrondissement, dans la province, et ainsi de suite car nous devons participer au plan de sortie de la pauvreté.Devant nous, nous avons des personnes et des familles et là, vous avez tous 20 / 30 situations qui vous viennent à l’esprit. Au vu de ces situations, vous allez tout mettre en œuvre pour voir ce que vous pouvez faire, à votre portée, et je renvoie à cette bienveillance qui, pour moi, est universelle. Et je me rends compte qu’il y a beaucoup de colère, notamment, de la part des sinistrés, et on l’entend. Il faut les écouter avec bienveillance et alors, même si vous n’apporterez pas une solution immédiate à leurs problèmes, ils se seront sentis écoutés et respectés. C’est cela qui est au-dessus de tout, c’est vraiment le respect des personnes. Ce sera ma conclusion d’aujourd’hui. Je reste très humble et on fait ce qu’on peut chacun dans son coin mais on connaît tous nos limites et on sait aussi qu’on peut tous les dépasser ! »

Le mot de la fin est laissé à notre présidente qui remercie vivement les intervenant-e-s et elle rappelle à toutes et à tous que la solidarité citoyenne existe bien à Verviers. Elle en profite pour remettre un cadeau à l’ensemble des intervenants.
La rencontre se termine à 17 heures 15.

POUR LE CENTRE F/H – VERVIERS Rapporteuse :
Jeannine GERLACH, Présidente. Pascale LECLERCQ.