2015 – L’enfer des violences conjugales et entre partenaires

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Après le discours de la Présidente du Centre et la présentation des activités de la Maison de la Laïcité par son Président, Bruno Felicetti, la parole a été donnée aux 8 intervenants de ce colloque / débat consacré aux violences conjugales. Monsieur HOUART, Magistrat, a animé le débat et donné la parole aux intervenants puis ensuite au public pour lui permettre de poser ses questions.

Nous avons donc entendu, par ordre de prise de parole :

Madame Yamina MEZIANI, Conseillère de Madame Isabelle SIMONIS, Ministre de la Promotion sociale, de la Jeunesse, des Droits des femmes et de l’Egalité des chances

Madame la Conseillère de la Ministre a été pendant 15 ans coordinatrice au CRIPEL à Liège. Durant cette période, elle a été en contact avec la difficulté d’insertion des femmes dans la société et connaît donc parfaitement le sujet des droits des femmes. Elle a tenu à excuser Madame la Ministre qui était malheureusement retenue pour une autre réunion. Un Ministère du Droit des Femmes a été créé récemment en réponse aux revendications des nombreuses associations féminines belges. Madame la Ministre souhaite faire avancer l’application du droit des femmes en Belgique et c’est pourquoi sa lutte contre les violences à l’encontre des femmes est en fait une réelle priorité. Elle compte mettre en place un plan quinquennal de lutte contre les violences envers les femmes, qu’il s’agisse de viols, de harcèlement, de mutilations génitales féminines (MGF), et de toutes autres violences… Selon les statistiques, il apparaît que les violences entre partenaires sont les plus nombreuses. En 2014, plus de

300 000 femmes étaient victimes de violences de tous types, en y incluant les remarques humiliantes et répétitives de la part de leur partenaire. Il faut savoir que cela est suffisant pour entraîner le dépôt d’une plainte. La plupart du temps, il s’agit de plaintes pour coups et blessures. Les chiffres pour la Belgique sont alarmants. En effet, tous les deux jours, une personne meurt suite à des coups reçus de son partenaire. De nombreuses campagnes sont menées chaque année afin de sensibiliser la population à cette problématique, qu’il s’agisse de la campagne « ruban blanc » avec la distribution de tracts, de pin’s, … que des actions tout aussi médiatiques comme de larges campagnes d’affichage, de la semaine de la lutte contre les violences (qui a lieu au mois de novembre), d’émissions et de spots télévisés, … En 2014, environ 2 500 affiches ont été distribuées dans tout le pays. La violence verbale fait partie intégrante de la violence physique et l’objectif principal est d’encourager les femmes à sortir de l’isolement et à oser en parler. La ligne téléphonique gratuire « Ecoute violences conjugales » est mise à la disposition des femmes qui ont besoin d’aide ou d’un renseignement particulier. Madame Meziani rappelle que chaque personne doit être respectée dans son intégrité physique ou mentale et que les auteurs de violences doivent être poursuivis et sévèrement punis. La tolérance zéro est réellement d’application.

Madame Michèle LECLOUX, Substitut du Procureur du Roi au Tribunal de Verviers

Madame la Substitut du Procureur du Roi du Tribunal de Verviers a exposé l’aspect judiciaire et le fonctionnement de la justice en ce qui concerne les violences conjugales. Elle a répondu à la question d’une dame, elle-même victime de violences, et se plaignant de dysfonctionnements de la justice et du manque de considération des victimes.

Madame LECLOUX lui a expliqué que lorsqu’un homme est placé en observation suite à des violences envers sa compagne, la Police et les experts psychiatriques doivent l’examiner afin de rédiger un rapport qui sera ensuite transmis aux autorités compétentes en la matière. Une fois ces rapports détaillés transmis aux juges, l’homme violent sera soit placé en garde à vue, soit interné, suivant les avis des experts.

Cependant, les experts psychiatres et les policiers ne sont pas toujours d’accord et il arrive qu’ils ne partagent pas le même avis en ce qui concerne la dangerosité d’une personne et il se peut qu’une personne considérée comme non dangereuse soit malheureusement remise en liberté alors qu’elle aurait dû être internée. Il s’agit de cas très rares heureusement. Le manque criant de spécialistes en la matière au tribunal pour traiter ces dossiers qui sont pourtant nombreux à Verviers entraîne un encombrement de la justice et des dossiers qui n’auront pas été totalement approfondis faute de temps. Les violences au sein du couple se définissent comme des situations où les faits de violences (agressions physiques, sexuelles, verbales, psychologiques, économiques, …) sont à la fois récurrents, souvent cumulatifs, s’aggravent et s’accélèrent (selon le phénomène dit de la « spirale »). Ils s’inscrivent dans un rapport de force asymétrique (dominant / dominé) et figé. Ces violences diffèrent des disputes ou des conflits conjugaux où deux points de vue s’opposent dans un rapport d’égalité. Dans les violences, il s’agit d’un rapport de domination et de prise de pouvoir de l’auteur sur la victime. Par ses propos et ses comportements, l’auteur veut contrôler et détruire sa partenaire. Ces violences créent un climat de peur et de tension permanent. Les conséquences pour la victime sont désastreuses : peur, culpabilité, perte totale de l’estime de soi et d’autonomie, isolement, stress, voire même suicide.

Madame la Substitut du Procureur du Roi rappelle que les actes suivants sont interdits et punis par la Loi :

  • Violences physiques (bousculades, coups avec ou sans objet, strangulations, morsures,

brûlures, séquestrations…) ;

  • Violences verbales (injures, menaces, cris…) ;
  • Violences psychologiques (intimidations, humiliations, dévalorisations, chantages affectifs, interdiction de fréquenter des amis, la famille…) ;
  • Violences sexuelles (agressions sexuelles ou viols) ;
  • Violences matérielles (briser ou lancer des objets) ;
  • Violences économiques (contrôle des dépenses, des moyens de paiement, interdiction de travailler) ;
  • Violences qui s’expriment au moyen de confiscation de documents (carte nationale d’identité, carte vitale, passeport, livret de famille, carnet de santé, diplôme, etc.).

Monsieur Alain HOUART, Magistrat honoraire au Tribunal de Verviers

Monsieur HOUART a exposé par le détail comment réaliser un dépôt de plainte, de son introduction à son traitement. Au tribunal, il n’y a plus que 8 magistrats de référence au niveau des violences conjugales au lieu des 13 qui siégeaient au départ. Il pense, pour sa part, que les violences dont font preuve certains hommes ou certaines femmes ne sont pas toujours dues à des maladies psychiatriques mais qu’il s’agit bien, toujours selon lui, de la noirceur de la nature humaine. Cependant, la société ne veut pas voir que l’humanité est aussi dure et préfère se cacher les yeux et se donner bonne conscience en reléguant toutes ces déviances graves dans le domaine des maladies psychiatriques. C’est un peu simple. Monsieur HOUART, en sa qualité de Magistrat, a ensuite donné des exemples de cas vécus et a répondu aux questions du public.

Madame Karine HENROTTE, Présidente d’honneur du CFFB – Verviers

Madame HENROTTE a fait un retour sur l’histoire des violences envers les femmes et a cité les différentes lois et conventions existantes, à l’aide de statistiques et de chiffres alarmants.

Elle a ensuite expliqué que la ségrégation fondée sur le genre existe toujours actuellement, notamment dans l’enseignement, et ce dès la petite enfance. Dans les pays européens, la violence ne cesse d’augmenter. Les mariages forcés et la traite des femmes persistent également. On assiste à un retour en arrière et à une forte remise en cause des droits des femmes. Lors des conflits, ce sont toujours les femmes qui souffrent le plus. Il est apparu qu’à la suite de certaines guerres, le viol systématique avait été utilisé comme méthode de guerre et que nombre de femmes, après le conflit, avaient été victimes de la traite des femmes. Les femmes se heurtent à de nombreux obstacles dans de nombreux domaines et cela entraîne leur manque de participation, d’où un obstacle supplémentaire au bon développement de la société. Les violences sexuelles portent atteinte aux droits fondamentaux de la personne notamment à son intégrité physique et psychologique.

Elles sont l’expression de la volonté de l’auteur d’assujettir la victime et de l’isoler totalement des personnes qui seraient susceptibles de l’aider.

Le responsable de l’agression sexuelle est l’auteur quelles que soient les circonstances de la violence sexuelle. Les conséquences pour les victimes quelle que soit la forme de la violence sexuelle sont importantes, nombreuses et durables, notamment de l’anxiété, des troubles du sommeil et/ou de l’alimentation, des peurs intenses, de la culpabilité, de la dépression, un isolement, des conduites à risque ou agressives, … Ces manifestations sont propres à chaque victime et sont variables dans le temps. La victime doit être aidée et accompagnée.

Monsieur Jean-Michel ROCKS, Commissaire de Police de la ZONE VESDRE

Le Commissaire de Police Jean-Michel ROCKS fait partie de la « Cellule violences » de Verviers. Les violences conjugales sont assez fréquentes dans l’arrondissement verviétois. En réponse à une question émanant du public, le Commissaire de Police a précisé quelles étaient les conditions de recrutement des policiers et a expliqué que le niveau d’études minimum requis était le CESS. Il est vrai qu’autrefois, certains policiers étaient recrutés malgré leur manque de diplômes mais cela fait désormais partie du passé. Les examens sont d’un niveau important et il n’est pas rare de rencontrer au sein des services policiers des bacheliers ainsi que des licenciés. Il a expliqué comment s’effectuait le dépôt d’une plainte et le déroulement des auditions. Les conjoints sont toujours entendus séparément de manière à ce qu’aucune des deux parties ne fasse l’objet de menaces et de pressions entraînant le retrait de la plainte. Cependant il arrive fréquemment que des femmes victimes de violences et / ou de harcèlement moral retirent leur plainte à cause des nombreuses pressions qu’elles subissent. C’est dommage car elles avaient déjà fait le plus gros des démarches en osant passer la porte du commissariat. Tous les mois, les policiers sont formés à l’écoute en ce qui concerne la problématique des violences. Ils apprennent à être davantage à l’écoute des personnes battues avec davantage d’empathie. Ils réagissent différemment lorsqu’ils sont confrontés à des conflits entre partenaires. Une policière fait d’ailleurs partie de l’équipe qui travaille principalement sur les violences conjugales.

Madame Sandrine BODSON, Criminologue / Formatrice au REFUGE POUR FEMMES BATTUES de Liège

Le témoignage de Madame BODSON était très intéressant car elle a exprimé son sentiment personnel et expliqué qu’en début de carrière, voulant trop bien faire, elle a commis des erreurs dont elle a tiré des leçons bénéfiques. Elle s’en est heureusement rendu compte et a pu ainsi corriger le tir en prenant plus de temps pour accompagner ces personnes. Un espace dédié aux enfants a également été créé de manière à leur permettre d’exprimer leurs sentiments et d’être entendus. Des tables rondes entre adultes ont été mises en place afin de leur permettre d’échanger sur certains sujets et discuter en toute convivialité de manière à permettre de relacher la pression. Certaines histoires sont vraiment dramatiques et difficiles à supporter. Madame BODSON connaît bien l’intense détresse des femmes victimes de violences physiques, verbales, mentales, psychologiques, … Certaines veulent déposer plainte mais la peur de représailles est tellement forte qu’elles y renoncent et préfèrent encore subir les violences plutôt que de risquer de mourir sous les coups dûs à la colère de leur conjoint s’il apprenait qu’une plainte a été déposée. Elle a ensuite exposé les nombreuses missions du Refuge pour femmes battues de Liège. L’anonymat est évidemment toujours garanti et les adresses où résident les femmes battues sont tenues secrètes afin d’éviter à un mari furieux de venir attendre sa femme devant ce domicile provisoire. Lors de violences commises envers leur mère, la plupart du temps, les enfants accompagnent leur mère car une séparation serait difficile à vivre pour les enfants et cela permet de conserver une certaine harmonie familiale pour la mère et ses enfants.

Madame Laureen THEVES, de L’ACCUEIL, Maison d’accueil pour femmes et enfants de Verviers

Madame Thèves a présenté les missions de la Maison de l’Accueil de Hodimont à Verviers ainsi que ses différents rôles. Lorsqu’une situation de violence conjugale est avérée, l’autorité parentale de l’auteur d’un crime ou délit sur l’autre parent est systématiquement remise en question par la justice. Il existe une ordonnance de protection renforcée qui protège les victimes durant une longue période afin de protéger également les enfants. Les hommes violents sont dirigés, s’ils l’acceptent, vers un stage de responsabilisation leur permettant de prévenir la récidive. Madame Thèves explique que les centres d’hébergement sont tenus secrets et que la confidentialité est garantie. Dans certains cas, les femmes d’origine étrangère ont la possibilité de prolonger leur titre de séjour lorsqu’elles peuvent prouver qu’elles sont victimes de violences conjugales. Le Centre « L’Accueil » de Verviers permet à des femmes en difficulté de trouver dans une situation d’urgence un refuge pour elles et leurs enfants. Certaines personnes en détresse peuvent être accueillis au Centre même pour quelques heures. Il s’agit de faire le point avec une psychologue / assistante sociale avant de redémarrer plus sereinement. Parfois, si la situation entraîne des menaces graves de la part du conjoint violent, ces femmes sont orientées vers un foyer dont l’adresse est tenue secrète. Des menaces peuvent devenir de plus en plus concrètes mais cela arrive heureusement moins souvent. Dans des situations extrêmes, des logements sont mis à la disposition des personnes maltraitées afin de les écarter rapidement de leur conjoint violent. Il n’y a que 4 logements « secrets » dans l’arrondissement verviétois. Les centres d’accueil pour femmes battues sont peu nombreux et peu connus. Il manque cruellement de places car la demande est de plus en plus importante.

Madame Danielle COLINET, Formatrice en Wendo (auto-défense) à l’asbl « D-CLIC » de Liège

Madame COLINET nous a présenté ce qu’est le Wendo. Le wendo, de women (femme) et de do (voie-chemin) est une méthode d’autodéfense qui nous vient du Québec, pensée par des femmes pour des femmes. Il tient compte des différences morphologiques entre les femmes et les hommes, de la façon dont nous avons intégré la violence et de la spécificité des agressions contre les femmes. Il ne s’agit pas de se battre à tout prix mais de disposer des moyens de se défendre lorsque l’on est agressée. Les femmes qui pratiquent le Wendo n’en parlent généralement à personne car il s’agit d’obtenir un effet de surprise lorsqu’une agression est commise. Un stage à destination des femmes souhaitant apprendre quelques techniques de self-défense et de confiance en soi aura lieu courant mars 2015. Il aura une durée de 2 jours et sera organisé les 8 et 15 mars 2015 en collaboration avec les Femmes