2017 – Rencontre culturelle en hommage à Madame Simone Veil

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Présentée par :

Madame Simone SUSSKIND, Députée, Licenciée en Sciences

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La Présidente a remercié les participants ainsi que Michèle Corin, Directrice du CTLM, pour la mise à disposition de la salle. Elle a également remercié la trentaine de participants présents et a présenté l’intervenante de la rencontre.  Après un discours d’introduction, elle a donné la parole à Madame Susskind.

 

Avant son intervention, nous avons projeté le documentaire « Simone Veil, la loi d’une femme ».  Celui-ci mesure l’empreinte laissée par Simone Veil : la loi sur l’avortement qui porte son nom, son combat pour l’Europe, son action pour le devoir de mémoire de la Shoah. Il propose un lien entre son héritage personnel et ses champs d’action : son enfance, son éducation, sa mère, puis pendant l’adolescence, l’horreur d’Auschwitz.

 

Simone Veil est l’une des personnalités françaises les plus respectées. Son engagement l’a placée au-dessus des contingences politiques. « Simone Veil, la loi d’une femme » se propose de faire comprendre ce phénomène inhabituel et la femme exceptionnelle qui l’a rendu possible.

 

Un film de Caroline Huppert – Produit par Michel Rotman – Kuiv productions.

 

Madame Susskind, sous le coup de l’émotion de revoir cet extrait d’un des nombreux reportages consacrés à Madame Veil, a entamé son intervention.  Dans les 15 / 20 dernières années après que Simone Veil soit devenue une icône en France, de nombreux reportages très intéressant lui ont été consacrés.

 

Sa mère étant décédée du typhus peu avant la libération du camp d’Auschwitz, Simone et sa sœur ont dû reconstruire leur vie à Paris.  Celui qui allait devenir son mari était un énarque français.  Ils se sont mariés et ont eu rapidement des enfants.  Elle a ensuite repris des études de Droit et est devenue, à force de travail, Magistrate.  Elle a toujours souhaité travailler malgré le fait que son mari s’y était opposé au départ.

Par la suite, son mari est entré dans une carrière politique et a intégré un cabinet ministériel.

 

En 1973 / 1974, lorsque Valéry Giscard d’Estaing est devenu Président et Jacques Chirac Premier Ministre, ceux-ci ont pensé qu’il serait souhaitable d’avoir une femme dans le Gouvernement et c’est à ce moment-là que Simone Veil reçut la proposition de devenir Ministre de la Santé, ce qu’elle accepta.  Ce fut évidemment un choc pour son mari qui se voyait, lui, mener une grande carrière politique mais c’est son épouse qui s’est retrouvée devant le feu des projecteurs.

 

Simone Veil a mené de multiples combats politiques en faveur des femmes.  Ce fut le cas dans de nombreux pays comme en Belgique.  Souvenons-nous du cas de Willy Peers et des avortements clandestins.  Simone Veil est la base de la création du projet de Loi sur l’avortement en France avec le soutien des femmes et des associations féministes.  Tout une partie de l’opinion publique de droite portait le message de l’Eglise qui dénonçait un crime envers les enfants et s’érigeait contre tous ces fœtus tués.  Un courage extraordinaire l’animait et la suite du reportage que nous avons vu, présente les débats à l’Assemblée nationale et les injures qu’elle a dû subir.  Elle fut insultée et traitée de nazie, elle qui était sortie vivante des camps de concentration.  C’était un comble.  Elle est effectivement devenue une véritable icône et pas seulement en France mais dans l’Europe entière.

 

Pour rappel, en Belgique, au moment de la Loi en faveur de l’avortement, le Roi Baudouin refusa de signer et c’est le Premier Ministre qui signa cette Loi car le Roi s’était retiré pendant 48 heures pour rester fidèle à ses convictions religieuses.  Il préféra ne pas se prononcer sur ce sujet.

En France, quelques années plus tard, il y eut le processus d’élection au suffrage universel pour le Parlement européen.  Elle dirigea cette liste en tête de liste et fut élue Présidente au Parlement européen en 1979.  Elle joua un rôle extrêmement important avec cette vision du devenir de l’Europe qui d’après elle, ne pouvait débuter que par sa construction initiale sur des bases solides.  Elle mobilisa les masses et travailla en faveur de l’avortement et l’Europe puis elle est fut à nouveau Ministre d’Etat sous le Gouvernement Balladur en 1992.  A cette époque, il faut rappeler qu’elle était encore le numéro 2 dans le Gouvernement français.  Tout cela s’est fait un peu par hasard.  Il faut dire qu’elle avait une popularité extraordinaire grâce à ses valeurs essentielles et son travail en faveur des femmes, malgré son caractère difficile mais sa vision était si juste qu’on lui pardonnait facilement cela.

 

Madame Susskind côtoya Madame Veil à plusieurs reprises.  Elle s’était engagée à la fin de sa vie dans un combat pour la mémoire de la Shoah.  Ainsi, elle joua un rôle extrêmement important dans les 15 dernières années de sa vie en utilisant son histoire personnelle pour la transmettre et expliquer ce que fut le génocide des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale.  Grâce à ses nombreuses interventions, le Mémorial de la Shoah fut construit en France.  Cela permit aussi que Jacques Chirac, suite à leurs négociations, reconnaisse en 2005 la responsabilité de l’Etat français dans le génocide des Juifs pendant la Deuxième guerre mondiale car auparavant, on n’établissait pas la responsabilité de Vichy. Vichy, c’était autre chose …

 

Madame Susskind dirigea à Bruxelles le Centre communautaire laïc juif, organisation juive, où elle travailla, entre autres, à étudier comment il était possible d’encourager une paix en Moyen Orient entre les Palestiniens et les Israéliens.  En 1989, elle organisa une rencontre entre 20 femmes israéliennes et 20 femmes palestiniennes en pleine Intifada.  Elle voulait savoir comment les femmes pouvaient contribuer à construire la paix entre leurs deux peuples.  Cette réunion fut très fructueuse mais très difficile car les témoignages de ces femmes palestiniennes étaient très difficiles à entendre.  Elles racontèrent les souffrances de leur jeunesse.  La réunion fut très tendue jusqu’au moment où l’une des femmes palestiniennes prit la parole et dit qu’elle souhaitait en tant que femme léguer quelque chose à ses enfants.  Elle changea en l’espace de 10 minutes la dynamique de cette réunion publique.  Chacune réfléchit afin de trouver un moyen de faire changer les choses.  En deux heures de temps, ces femmes élaborèrent le document « La déclaration de Bruxelles » qui déclare ce que devrait être la solution et reconnaissait l’Etat d’Israël et le rôle des femmes.  Elles retournèrent chez elles et tentèrent d’élargir le cercle de femmes susceptibles de participer à ces réunions d’échanges et de dialogues.

 

Madame Susskind demanda un soutien à la Commission européenne.  Les responsables de l’époque donnèrent leur accord à la condition qu’un projet commun soit trouvé.  Elles passèrent deux jours à Bruges pour trouver comment créer un projet commun et elles élaborèrent ensuite un concept pour la création d’un Centre de femmes palestiniennes à Jérusalem est et un Centre de femmes israéliennes à Jérusalem ouest mais avec un Comité de coordination commun qui gérerait le projet et la vision ainsi que les conflits et les tensions.  Une soirée publique était prévue à Bruxelles.  Madame Susskind s’était adressée à Simone Veil pour lui demander de prendre la parole lors de celle-ci.  Elle avait marqué son accord et participé à cette rencontre publique.

 

Madame Susskind la rencontra ensuite en 1994 pour élargir le travail aux femmes de la région et aux femmes européennes.  Elle proposa que ces rencontres se tiennent au Maroc et pour ce faire, rencontra le Conseiller juif du Roi du Maroc qu’elle connaissait déjà bien.  Elle exposa son projet et demanda le soutien du Maroc.  La Commission européenne donné également son accord et le Maroc permit alors la réunion de 200 femmes des pays de la Méditerranée dans son pays.  De nombreuses femmes politiques européennes furent invitées.  Dans ce processus, le thème était : « Comment les femmes peuvent-elles faire avancer le pays dans leurs régions et quel pourrait être le rôle des femmes ?  Simone Veil marqua son accord pour diriger la délégation française et rencontrer le Comité de pilotage.  Cette conférence eut lieu à deux reprises à Paris et le groupe de femmes européennes et méditerranéennes passèrent toute une soirée avec Simone Veil.

Madame Susskind la rencontra encore à Paris lors d’une réunion entre Palestiniens et Israéliens que présidait Simone Veil qui voulait transmettre le devoir de Mémoire de la Shoah comme Juive et comme femme engagée.  Cela fut à chaque fois très enrichissant.

Madame Veil était très timide et réservée et était tout le temps dans un combat entre sa timidité et le fait qu’elle était une femme publique.  Son engagement et ses actions furent tellement forts qu’ils prenaient le dessus.

Certains reportages ont été réalisés de manière remarquable à son sujet.

A la fin de sa vie, atteinte de la maladie d’Alzheimer, elle n’était plus bien du tout.

Sa vie extraordinaire se conclut par son installation, avec son mari, au Panthéon.

Cette femme d’exception marqua fortement le siècle de son empreinte et ne renonça jamais à ce qui donnait un sens à sa vie.