2015 – La guerre des tranchées de 1914 -1918, rappelons-nous du rôle des femmes

la-grande-guerre2 (1)

Rapport de l’intervention de Monsieur Francis BALACE, Historien.

Il apparaît que les pertes militaires ne furent pas aussi importantes que l’on pense. On dénombra 42 900 militaires tués lors du conflit en comparaison avec la France qui perdit      1 450 000 hommes sur une population totale de 38 000 000 d’habitants. L’image de la femme qui travaillait en usine fut modifiée.. Elle adoptait un habillement très masculin, complètement « à la garçonne » qui ne la mettait pas en valeur. Pour usiner des pièces d’armement, le corset des femmes disparut totalement. La femme ne correspondait plus à son image d’avant-guerre.

 

La main-d’œuvre était surabondante et les hommes étaient au chômage. Le patriotisme était important et personne n’acceptait de travailler pour les Allemands, les pièces n’étaient tout simplement pas fabriquées. De grands travaux inutiles furent effectués et ceux-ci eurent un impact catastrophique sur le paysage. En effet, les chômeurs étaient utilisés dans le but de démolir les vestiges du passé jusqu’à ce que les Allemands les en empêchent. Les chômeurs n’ont ainsi pas été réquisitionnés par les Allemands.

L’industrie textile lainière se trouvait à Verviers et utilisait des laines d’Amérique du Sud. Des 1915, les activités de tissage cessèrent à Verviers. Par contre, les charbonnages fonctionnèrent durant toute la guerre.

 

L’autorité militaire allemande avait tous les pouvoirs. Le gouvernement général était soumis aux règles édictées par la Convention de la Haye de 1907 et les Allemands furent forcés de laisser les Institutions en place. Les Bourgmestres, la Police et les autres Institutions étaient toujours actifs. Le système d’enseignement continua de fonctionner durant la guerre. Les impôts et l’administration fiscale belge restèrent en place pour permettre le prélèvement des impôts. Régulièrement, les Allemands frappèrent certaines régions de taxes qui sont en fait des amendes.

 

A partir de 1917, les Allemands ramenèrent la moitié de leur armée occupée en Russie vers nos pays. Au printemps 1918, les Allemands étaient de retour sur la Marne. Pour être libres de mouvements, les Allemands vidèrent toute la zone des états. Des hommes furent utilisés pour creuser des tranchées et beaucoup mourrurent lors des tirs sur les tranchées. La ration de pain journalière par personne consistait en un apport d’à peine une centaine de grammes par jour. Quand les Etats-Unis entrèrent en guerre contre l’Allemagne en avril 1917, la population ne reçut plus rien.

 

Quand les sous-marins allemands s’attaquaient à tout, les ravitaillements de nourriture ne furent plus possibles par bateaux. Un marasme total s’abattut sur nos pays. Les ouvriers étaient en chômage, la production des aciéries chuta énormément. Les ouvriers métallurgistes perdirent leur emploi. Les établissements Cockerill ne travaillaient que 4 jours / semaine. La production du zinc chuta fortement et la majorité des ouvriers perdirent leur emploi. Les ouvriers carriers perdirent leur emploi également car les patrons refusaient de fournir à l’ennemi. Dans l’industrie textile verviétoise, dès 1915, toute production cessa.

En revanche dans les charbonnages, la production se maintenait et 110 000 des 146 000 mineurs ont pu poursuivre leur travail. Le 4 août 1914, personne n’imaginait que la guerre allait durer 4 ans. Le quartier des Prussiens fut développé par des gens de Monschaü. Des expatriés allemands se sont établis à Verviers. A Herstal, certains quartiers furent habités par des Allemands. En 1915, les œuvres créées par initiatives privées étaient nombreuses. En octobre 1916, les chômeurs furent déportés vers l’Allemagne. Les Belges expédiés en Allemagne risquaient de se rebeller car une grande partie de l’armée allemande se trouvait au front.

 

60 000 chômeurs furent déportés en Allemagne. Cependant, les ouvriers d’usine restèrent au pays alors que l’Allemagne en avait besoin pour ses usines. En province de Liège, l’arrondissement de Huy – Waremme fut le plus dépeuplé au niveau de ses ouvriers. Les gens en âge de travailler devaient se présenter dans les gares où ils étaient comptabilisés. Des éleveurs, garçons de ferme, .. étaient incapables de travailler en usine. On les utilisa pour l’extraction de la tourbe. Beaucoup mourrurent faute de soins et de nourriture suffisante. L’Allemagne souffrait aussi beaucoup de la faim. Il y eut aussi 30 000 travailleurs volontaires, pour la plupart, des mineurs de La Louvière. Le charbon n’était pas utilisé et la misère se poursuivit jusqu’aux années 1930, période où l’occupant changea de tactique.

 

Les habitants pouvaient rester chez eux mais les usines furent détruites. Un arrêté allemand interdit de travailler en Belgique et de construire des usines. Les charbonnages furent malgré tout maintenus. Ensuite, les machines-outils furent démontées et transformées en mitrailles. L’industrie métallurgique subit le plus de dégâts et au final, il ne restait plus que des pavés par terre. Tout fut détruit et réutilisé à d’autres fins.

 

La famine reste encore le souvenir le plus marquant à ce jour. Le cheptel belge perdit

50 % de ses bêtes à cornes et de ses chevaux ainsi que les 2/3 de ses porcs et 3 500 000 volailles. L’industrialisation de la Belgique était la troisième puissance après les USA et l’Angleterre. Des usines furent créées autour des grandes villes mais elles ne produisaient que de quoi nourrir la population pendant 84 jours. Les viandes étaient importées en conserves d’Amérique latine et le blé également. Du jour au lendemain, il n’y eut plus rien. Des tas de lignes privées furent réquisitionnées par les Allemands. On trouva ainsi des décennies plus tard des locomotives belges au fond de la Volga.   Pour la population ouvrière, c’était le temps de la misère noire. Les paysans furent sollicités pour leur beurre et leurs œufs frais. Via les encaisses importantes des Allemands, toutes les exploitations agricoles furent rachetées en Wallonie et gérées par des Flamands. Il n’y avait pas de pétrole mais les Pays-Bas en avaient. Les pétroliers rédigèrent un arrêté d’interdiction d’exportation de pétrole.

 

Dans les régions frontières, beaucoup de femmes belges fraudaient et importaient du pétrole. Elles passaient la frontière malgré les contrôles des bouteilles de pétrole. Des pays neutres transféraient des subsides en Belgique aux Comités belges. Dans les écoles, les filles rebrodaient les sacs et les drapeaux. En 1918, la ration de pain diminua et la ration journalière passa à 1 000 calories. Les Allemands ont interdit la plupart des activités privées. Dans de nombreuses communes, les socialistes avaient du mal à s’insérer dans la vie locale et on demanda aux conseillers socialistes de siéger qui étaient souvent dans l’opposition, faute de majorité suffisante.

 

Il faut savoir que le peu de pertes humaines est dû également à l’impossibilité d’avoir des permissions pour les soldats. 13 % des permissionnaires partis à Paris revenaient malades. 1 900 prisonniers de guerre furent internés en Hollande. Les Belges partirent à l’attaque en septembre 1918 et perdirent énormément d’hommes. Il y eut 3 336 tués et 25 000 blessés en 3 jours. En 1914, les viols étaient fréquents surtout dans les régions isolées comme Virton.

Les guerriers allemands ont violé de nombreuses femmes lors de leur retrait de la Belgique. La première femme fut fusillée à Louvain le 18 août 1914.   Certaines personnes dépouillaient les cadavres sur la ligne du front au risque d’être condamnées à mort. Certaines personnes ont collaboré au niveau des renseignements car elles devaient se racheter à leurs propres yeux. Louise Derache, se faisant passer pour une fraudeuse de beurre, était en fait un agent de renseignements. L’état-major était doublé d’un état-major bis composé de femmes qui prenaient le relais en cas de rafles de la police allemande. Ce fut le cas de Louise Derache, d’Elise Grandprez, … Les victimes officielles de guerre comportent aussi les victimes civiles, mais aussi les 25 000 morts suite à la grippe espagnole. Tout cela est venu de la corne de l’Afrique, dans des cageots de fruits qui transitaient par l’Espagne. Les fruits livrés en Belgique étaient contaminés et créèrent une épidémie terrible. L’Allemagne réquisitionna les cuivres. Tout a disparu à partir de 1916. En 1917, ce fut la réquisition de la laine. La population belge résista et cacha ses cuivres, c’était un acte de résistance.

 

Il était difficile d’être une femme à l’époque car une femme devait travailler comme un homme. Le 4 août 1914, il fut décidé que les femmes de mobilisés avaient droit à une allocation avec un supplément pour les enfants à charge. Tout le monde pensait qu’au bout de quelques semaines, on allait démobiliser et renvoyer les gens chez eux. La femme va voir son rôle politique transformé. La majorité est passée de 25 à 21 ans. Il y eut une levée de boucliers contre le vote des femmes et l’annexion du Luxembourg. L’Eglise avait beaucoup de pouvoir à l’époque et les femmes suivaient souvent l’avis des curés.

 

Les hommes pouvaient voter mais les femmes pouvaient uniquement voter pour de simples lois. Il y eut quand même une éligibilité des femmes et des veuves de guerre, elles, avaient le droit de vote. Ce qui reste, c’est l’indicible, l’immesurable. La femme dut prendre en main la survie du ménage. Elle dut faire bouillir la marmite et parfois, elle se prostituait pour pouvoir subvenir aux besoins du ménage. Pendant la guerre 14 – 18, les femmes s’érigèrent en gardiennes d’une certaine morale et d’un patriotisme vigilant à l’encontre des hommes qui désertaient ou ne veulent pas faire la guerre. La plume blanche fut l’insigne de la lâcheté. Les hommes qui n’étaient pas sur le front recevaient une plume blanche. Un homme qui n’est pas sur le front est considéré comme un lâche. Les personnes qui contractèrent la tuberculose et qui mourrurent en 1920 ne furent pas comptabilisés comme victimes de guerre, ni les gazés, ni les autres qui ont souffert de fortes carences durant cette période. Les Belges ont souffert directement ou indirectement, de la perte d’un être cher, ou suite à une maladie, …

 

Les pertes matérielles s’élevaient à 3 750 000 francs or sans compter les pertes indirectes qui représentaient 8 % de l’actif national. Avec les pertes indirectes, on obtint 20 % de l’actif national. La monnaie resta stable. 5 francs belges équivalaient à un dollar et ça ne bougea pratiquement pas pendant un siècle. Le franc belge a perdu 75 % de son pouvoir d’achat. Les salaires ont évolué et les gens ont maintenu leur activité. Les rentiers ont disparu depuis. Les actions, les investissements et les dépôts en banque sont partis en fumée. Ce n’est qu’en 1926 que le franc se stabilisa et que le Belga fut inventé. Ce furent les années folles avec une véritable spéculation boursière. Certaines régions de Flandre furent totalement dévastées. Des quartiers ont été totalement reconstruits et ont permis de pallier à des destructions de faits de guerre, bombardements et incendie. La guerre a détruit

100 000 immeubles mais entretemps, la population belge augmenta de 20 % et le nombre de ménages augmenta de 51 %.

 

La guerre a créé une inflation des besoins de logements. Des années après la guerre, il subsista encore de nombreux quartiers de baraquements dans le borinage.

Le prolétariat y habitait. Des poussées de xénophobie étaient fréquentes. 15 000 Allemands vivaient à Liège en 1919.

 

Finalement, la femme a montré par son incorporation dans les réseaux de renseignements, que le patriotisme existait réellement. Un changement dans l’autre sens a eu lieu également. Les mœurs ont évolué. Une certaine façon de vivre a disparu après 1914 – 1918. La victoire ou la paix, c’est une femme.